Qui est-il celui qui dit "ceci est mon corps"? Homélie Dimanche du St Sacrement du Corps et du Sang du Christ B (3.06.2018)
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Dimanche 3 juin 2018 St Sacrement du Corps et du Sang du Christ St EH, Colombes
Qui est-il celui qui dit "ceci est mon corps"?
Ce récit de la Cène, nous le connaissons bien. Nous l’entendons d’une oreille distraite à chaque messe. « Ah tiens, c’est la partie de la messe, où le prêtre répète le récit du dernier repas de Jésus. Toujours les mêmes paroles et les mêmes gestes, je les connais par coeur. Vraiment, c’est pas compliqué d’être prêtre ! » Pourtant, dans son récit, l’évangéliste St Marc disperse des indices qui attirent notre attention et qui nous font penser qu’il va se passer quelque chose de différent des autres repas de Pâque que Jésus a vécu avec ses disciples.
D’abord, nous sommes à Jérusalem, alors que les années précédentes, il devait être en Galilée. Dans les chapitres précédents, la tension et l’hostilité contre Jésus ont grandi à mesure qu’il s’approchait de la Ville de David. Une autre indice ? Jésus demande aux deux disciples de trouver un homme qui porte une cruche d’eau. C’est rare ! En effet, c’étaient les femmes qui allaient au puits puiser l’eau, comme la Samaritaine (Jn 4). Cet homme que les disciples ne connaissaient pas est donc facilement repérable. Jésus a donc préparé soigneusement ce repas pascal. Non seulement matériellement, mais aussi spirituellement. Dans la préparation, Jésus s’inscrit dans la tradition juive de la Pâque. Il est juif et le reste. Il garde le contexte de la prière avec la bénédiction du pain, l’action de grâce sur la coupe de vin, et le chant de psaumes après le repas, avant d’aller au Mont des Oliviers.
Pourtant, Jésus ajoute des paroles denses, fortes, prophétiques et avec un pouvoir de transformation du réel : ce pain est mon corps. Ce vin est mon sang, celui de la Nouvelle Alliance versé pour la multitude. Avec ces paroles et les gestes correspondant, Jésus donne le sens de sa mort, le lendemain, sur la croix. A la sortie d’Egypte, le Seigneur Dieu passait au milieu de son peuple, ici, c’est Jésus. Cependant, l’urgence est moins grande que pour les hébreux qui allaient fuir et quitter définitivement l’Egypte. En ces instants, comme hors du temps, Jésus vit ses derniers instants de liberté, un moment important avec ses amis les plus proches.
En versant une goutte d’eau dans le calice où il y a le vin, le diacre ou le prêtre prononce à voix basse, parce que l’orgue joue souvent à ce moment-là, une phrase forte et très dense : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. » La goutte d’eau disparaît dans le vin. Nous demandons que notre humanité communie avec la divinité éternelle de Jésus. Que nous devenions comme Lui. On pourrait dire que notre ADN humain évolue pour être changé en ADN divin, si on peut parler d'ADN divin.
Pourquoi venir à la messe le dimanche ? Quand on a un ami si formidable qui nous invite, on ne peut pas refuser. On s’y précipite ! On laisse ce qu’on fait et on y va. C’est comme quand on est amoureux. Mais vraiment amoureux. Je ne dis pas tiède, je dis brûlant. Ce n’est pas « je t’aime un peu, Jésus, mais tu vois seulement quand cela m’arrange, quand j’ai besoin de toi. » « Non ! c’est je t’aime à la folie, passionnément, infiniment, éternellement ! Sauf qu’avec la répétition et la routine, on se lasse, on s’habitue. Peu à peu, on s’avachit dans son canapé. Alors, réveillons-nous ! Il nous a donné rendez-vous ! Ce n’est pas n’importe qui ! C’est Jésus, le Fils de Dieu, notre Libérateur ! Et notre meilleur Ami (Jn 15), on ne peut pas se contenter de le voir pour des grandes fêtes. C’est pourquoi, Il nous invite tous les 8 jours, tous les dimanches. Il nous dit : « Faites cela en mémoire de moi » « Je vous invite car j’y serai. » Il ne nous pose pas un lapin ! Ce n’est pas une relation imaginaire, mais réelle. Une vie donnée, comme dans une relation amoureuse, pas une relation platonique, mais une relation enflammée à la manière du Bien-aimé et de la Bien-aimée du Cantique des cantiques : « l’amour est fort comme la Mort, la passion, implacable comme l’Abîme : ses flammes sont des flammes de feu, fournaise divine. » (8, 6b-7a). Dans le don des corps, chaque amant vit 50 nuances de rose et rouge-passion et dit à l’autre : « Ceci est mon corps ». Sur l’autel, aux yeux de tous, cela reste du pain. Mais, dans la foi, nous croyons que c'est vraiment son Corps. Il nous dit aussi « Celui qui mange ma chair a la vie éternelle. » Par amour pour nous et par amitié, Jésus a fait un truc énorme, extraordinaire.
Pourquoi la messe change-t-elle la semaine qui commence ? Une personne rencontrée cette semaine me disait qu’elle avait du vague à l’âme depuis quelques semaines. Je lui ai demandé quand cela avait commencé. Elle a répondu : « Depuis que je ne vais plus à la messe, car j’ai la flemme de me lever, de sortir de mon lit, de m’habiller, de retrouver la communauté. » Elle a continué en disant qu’elle avait écouté une voix qui lui suggérait que ce n’était pas nécessaire d’y aller, qu’il ne faut pas faire les choses par devoir, que la messe à la télé c’est pareil, etc.
Finalement, pour que notre semaine ait du relief, du goût et de la saveur, approchons-nous du Sauveur, de Celui qui pimente et assaisonne notre vie et nos relations, Jésus, le Vivant, la Parole à écouter, le Fils qui nous est donné à manger.
Ex 24, 3-8 ; Ps 115 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26
P. Olivier Joncour