Corps du Christ sacramentel et ecclésial Homélie Dimanche du St Sacrement B (6.06.2021)
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Samedi 5 juin 2021 Dimanche du St Sacrement B ND des Agnettes, Gennevilliers
Corps du Christ sacramentel et ecclésial
Dans cet extrait, ce qui m’impressionne, c’est que les consignes que Jésus donne pour les préparatifs du repas pascal qu’il va prendre avec ses disciples sont plus longues que ce que St Marc raconte du repas en lui-même. C’est dire, combien le repas était important. Non seulement dans la préparation matérielle, mais aussi spirituelle. Il faut notamment faire un grand ménage et enlever toute poussière. C’est un gros travail ! Comment nous préparons-nous à vivre cette rencontre avant chaque messe ?
Comment se passe ensuite le repas pascal juif ? Le menu est toujours le même que le 1° donné par Dieu à Moïse et aux hébreux en Egypte : du pain sans levain, des herbes amères, un agneau pascal, un œuf et du vin. Ensuite, un garçon pose des questions à son père sur ce que leurs ancêtres ont vécu. Et si on écoute bien les réponses, il ne parle pas au passé, mais au présent, comme si c’était aujourd’hui que cela se passait. C’est un mémorial, un événement terminé qui a des conséquences très importantes aujourd’hui.
Dans le récit du dernier repas de Jésus, nous n’avons pas cette manière de raconter. Au coeur de ce repas, Jésus apporte une nouveauté, avec les paroles et des gestes nouveaux, qui quand on est chrétien et qu’on vient régulièrement à l’église prier à la messe nous sont familiers, mais que Jésus a dit pour la 1° fois ce soir-là. Et en même temps, de façon étrange, alors que Jésus sait que ses disciples vont traverser une crise très forte – oh ce n’est pas la pandémie du Covid-19 – mais le groupe va être attaqué car son responsable va être arrêté et condamné à mort comme un infâme brigand dans des souffrances physiques et douloureuses très grandes en mourant asphyxié.
Ce repas pascal est donc un repas de crise : la fuite d’Egypte pour fuir l’esclavage, la veille de la Passion c'est l’explosion du groupe des apôtres avec Judas qui va livrer Jésus, Simon-Pierre qui va le renier trois fois et les autres en fuite. Et la 1° fois qu’il sera à nouveau vécu avec la prière et le partage du pain, c’est à Emmaüs, un village à quelques kilomètres de Jérusalem où se rendaient deux disciples déboussolés, désorientés par la fin si triste et la mort de Jésus de Nazareth. Et pourtant, c’est un inconnu qui va marcher avec eux, qui va discuter avec eux, qui va leur expliquer des passages de la Bible en faisant un lien entre ce qui était annoncé par les prophètes et ce que Jésus a vécu et réalisé, un inconnu qu’ils ont invité à dîner avec eux, et ce n’est qu’au partage du pain qu’ils ont reconnu celui qui avait fait le même geste 3 soirs avant (cf Lc 24, 13-35).
S’il savait la grandeur et la puissance de vie et d’unité de la messe, notre monde qui traverse crises sur crises, identitaires, familiales, conjugale, sanitaires, politiques, économiques, financières devrait venir se réfugier à l’église : non pas pour sortir de la brutalité et de la violence de la vie, mais pour trouver dans les paroles du Christ un antidote et un vaccin à la culture de l’explosion, de la dispersion, de l’implosion, de la fatigue psychique, physique, du manque de relations, pour trouver et nourrir des relations vraies, pour s’arrêter pour réfléchir notamment à la questions du sens de la vie au-delà de la télé qui abrutit, des jeux d’argent qui appauvrissent les plus pauvres, au-delà des manifestations qui finissent en bataille de rue, au-delà des petites phrases qu’on envoie à ses adversaires.
Au contraire, le Christ nous permet de traverser la crise, d’accepter le corps flagellé, le corps souffrant, le corps humilié, le corps dépouillé de ses vêtements, le corps abusé, comme autant de petits grains de blé écrasés et broyés par les pierres du moulin pour en faire de la farine. Et c’est cette farine qui, mélangée avec de l’eau, du sel et de la levure, va être pétrie avant qu’on laisse le temps faire son œuvre. Laisser reposer la pâte, c’est comme la prière : laisser Dieu agir dans le silence, dans l’inaction, dans l’écoute. Ensuite le boulanger donne forme à la pâte avant de la mettre au four pour la cuisson. Et nos vies sont comme cette pâte pétrie par les mains du Seigneur pour faire un beau pain cuit à la chaleur de l’Esprit et nourrissant pour les autres.
Quels sont les effets de notre communion au Pain de Vie (cf Jn 6), au Corps du Christ ? Elle nourrit notre vie de baptisé, et donc la vie éternelle en nous. Nous sommes de plus en plus divinisés. Elle assure et renforce la communion entre les membres de l’Église, entre les enfants du Père. Elle joue le rôle du ciment entre les pierres vivantes (1 P 2,5a) que nous sommes, entre les saints du ciel et nous sur terre. Elle assure et renforce notre union avec Dieu notre Père par Jésus Christ dans l’Esprit Saint.
Cette communion vient se déployer aussi dans notre vie après la messe, à travers nos regards, nos gestes, les mots que nous choisissons et d’autres que nous rejetons, l’accueil que nous faisons à des nouveaux, à des personnes qui ne connaissent pas nos habitudes, nos manières de faire, de prier, de chanter. Cela demande du temps, de la patience pour découvrir, intégrer. Cela passe aussi par des moments de fraternité, des temps gratuits d’amitié. Cela demande du temps d’oser vivre avec Jésus dans notre famille-Eglise, dans la diversité des histoires et des situations que nous traversons.
Seigneur Jésus, toi l’envoyé du Père, tu nous as donné ta vie, ton corps et ton sang pour nous sauver de la mort, du mal et du péché. Viens nous transformer en Toi. Devenons vraiment ce que nous recevons. Amen !
Ex 24, 3-8 ; Ps 115 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26
P. Olivier Joncour