Vengeance ou pardon Homélie 24 dim TO A (13.09.2020)
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Dimanche 13 septembre 2020 24° dim TO A NDA et St JG Gennevilliers
Vengeance ou pardon
Parmi les thèmes qui traversent la Bible, et aussi nos histoires personnelles, familiales, de voisinage, au travail, et en Eglise, il y a celui du pardon. Dieu, le Créateur, pourrait-Il pardonner à Adam et Eve qui Lui avaient désobéi (cf Gn 3) ? Or, parmi les manières d’appeler Dieu, il y a le Miséricordieux, Celui qui pardonne toutes tes offenses. C’est une des demandes importantes dans la prière que Jésus a apprise à ses disciples : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. »
Dans la suite du discours sur la manière de vivre en Eglise que nous entendions dimanche dernier, Jésus répond à une question de Simon-Pierre : Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?
En répondant 70x7 fois, nous sommes dans la démesure. Dans la Bible, le chiffre 7 représente la perfection. Alors là, c’est la perfection de la perfection fois 10 ! La démesure est dans aussi dans la somme due par le premier : 60 millions de pièces d’argent en comparaison des 100 que l’autre lui doit. La question de Simon-Pierre portait sur la quantité – jusqu’à 7 fois ? - et Jésus répond dans la parabole sur la qualité, que la manière de répondre : à l’infini, et surtout avec le coeur ! Jésus va plus loin que la demande initiale ! Par sa Passion, sa mort sur la croix et sa résurrection, Jésus est celui qui nous sauve, celui qui a remis notre dette de 60 millions de pièces d’argent. « Père, pardonne-leur. Ils ne savent ce qu’ils font. » (Lc 23,34).
En confession, sans trahir aucun secret, j’entends des personnes dire : « j’ai du mal à pardonner. » Et il y a des actes effectivement qui sont tellement graves ou douloureux qu’il est vraiment difficile de pardonner. A la différence de « Je ne veux pas pardonner » ou de « je ne lui pardonnerai jamais », le « j’ai du mal à pardonner » exprime la difficulté, mais un désir, qui exprime que la personne reste dans l’espérance qu’elle pourra le faire. Parce que j’ai été pardonné, je peux aussi plus facilement pardonner, y compris en famille, entre frères et sœurs, entre générations.
Le film ‘Invictus’ (de Clint Eastwood) raconte notamment comment, en Afrique du Sud, Nelson Mandela élu président du pays après la fin de l’apartheid n’a pas voulu se venger, même s’il n’a pas été compris par ceux de son parti. Il a refusé d’entraîner les siens à faire subir ce qu’il avait subi. Cela demande une grande force intérieure. Surtout, cela permet de rester debout, de ne pas tomber plus bas que ce que les autres leur ont fait subir. C’est à cette fin qu’il avait mis en place la Commission de la vérité et de la réconciliation en 1995.
A la fin de l’extrait de l’évangile, Jésus parle du fond du coeur. Autrement, ce ne peut pas être une démarche en apparence, ni à la surface. Car il ne suffit pas d’avoir couper la mauvaise herbe à la surface du sol pour qu’elle disparaisse, s’il reste la racine, elle va repousser. Ce mal est comme un boulet qui m’empêche d’avancer, qui me retient vers le passé. Quand j’ai pardonné, la chaîne du boulet est coupée et je peux avancer à nouveau, et regarder vers l’avant, vers l’avenir. Pour les choses graves, voire très graves, la capacité du pardon à donner est une grâce à demander à Dieu. Et cela prendra peut-être du temps. Jusqu’au jour où on se rend compte que le Seigneur a agi et que je ne suis plus atteint comme avant quand je pense à cette personne qui m’a blessé.
Comment savoir si j’ai vraiment pardonné ? En principe, je suis en paix quand je vois ou que je pense à la personne qui m’a fait du mal. Quand deux personnes se sont fait du mal, il y a comme un mur qui s’est dressé entre elles. Une démarche de réconciliation vraie, authentique me fait dire : « je n’ai pas envie que ce mal me fasse oublier ce qui a été bon avant et mette fin à ce qu’on a déjà vécu ensemble. Reprenons le chemin ensemble, sans faire comme s’il ne s’était rien passé, mais en le dépassant, en aimant davantage. Car sans amour, il ne peut y avoir de pardon. Sans forcément devenir les meilleurs amis du monde, il peut exister une relation. L’autre est délié.
Le pardon libère non seulement celui qui a blessé, mais aussi celui qui pardonne : ce ne sont plus la rancoeur ni la colère, ni le désir de vengeance qui l’emportent. C’est déjà ce que disait le sage de la Bible.
Prions. Seigneur, je Te demande d’aider ceux et celles d’entre nous qui ont une démarche de pardon et de réconciliation à vivre de pouvoir le faire en vérité. Travaille dans leur coeur et aussi dans celui de l’autre personne pour que chacun puisse sortir vivant et grandir de cette épreuve.
Si 27,30 - 28,7 ; Ps 102 ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35
P. Olivier Joncour