Si ton frère Homélie 23° dim TO A (6.09.2020)
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Dimanche 6 septembre 2020 23° dim TO A Ste Marie-Madeleine Gennevilliers
"Si ton frère ..."
Au début du livre « Les misérables » de Victor Hugo, un évêque auquel Jean Valjean, un ancien condamné à la prison qui vient d’en sortir, qu’il a accueilli chez lui pendant une nuit et qui lui a volé deux chandeliers en argent, dit aux gendarmes qui l’ont arrêté en possession des chandeliers qu’il les lui a donnés et lui en donne deux autres dont il dit qu’il les a oubliés. Et cet acte va transformer la vie de Jean Valjean qui méritait de retourner en prison et qui va alors, grâce à cet acte d’amour, faire le bien, faire du bien. Et il explique, dans les dernières pages du livre, alors qu’il va mourir, comment ces chandeliers qu’il a reçus et surtout l’attitude de cet évêque qui l’avait accueilli, sa générosité, son désir qu’il ne retourne pas en prison, l’avait sauvé. Il n’était pas condamné à recommencer toujours la même histoire et à s’enfermer dans son rôle de voleur.
Cet extrait du discours de Jésus sur la vie des disciples, sur leur manière de vivre entre eux, ensemble, comme une communauté constituée, fait partie du chapitre 18 de St Mt dont le thème est l’Église, la famille des enfants que Dieu le Père a adoptés par le baptême, qu’Il a rachetés du mal par la Passion, la mort et la résurrection de son Fils, et auxquels il a donné son Esprit pour qu’ils agissent conformément à ce qu’Il attend d’eux. Nous sommes juste avant l’entrée de Jésus à Jérusalem. Or, l’expérience montre que dans nos vies, s’il y a du bon et du vrai, il y a aussi du mal et du mensonge, comme dans la parabole du bon grain et de l'ivraie (Mt 13, 24-30), qu’on en soit conscient ou non. Que faut-il faire quand on s’en rend compte ? Se taire ou dire quelque chose ? Et si on parle, comment le faire ? Dans le prolongement de ce que disait le Seigneur au prophète Ezéchiel, Jésus donne une méthodologie, une manière de faire à ses disciples pour que ce soit une bonne nouvelle pour le pécheur.
Si ton frère a commis un péché. Les lettres de Paul ne sont pas adressées à des adhérents, ni à des administrateurs, ni à des associés, mais à des frères et à des sœurs dans la foi, des frères et à des sœurs en Jésus-Christ. Cette fraternité au-delà de la famille de sang est une nouveauté dans la communauté. Alors, avant de condamner et d’exclure ce pécheur de la communauté, Jésus nous demande de continuer à le considérer comme un frère, même s’il m’a fait du mal. C’est compliqué et demande beaucoup d’amour car, d’un côté, toute vérité n’est pas facile ni agréable à dire car nous connaissons aussi les poutres de nos vies (cf Mt 7, 3-5) et, d’un autre côté, entendre la vérité est difficile et désagréable à entendre. Nommer la faute c’est aider l’autre à en prendre conscience, pour lui permettre de réagir. C’est chercher à sortir de l’eau l’autre qui est en train de se noyer. C’est le faire sous le regard de Dieu, en lui demandant son aide, tant pour celui qui va interpeller que pour celui qui est interpellé. Car l’enjeu n’est pas de se faire l’adversaire ou l’opposant, mais de rester frères encore après ! L’enjeu est de garder la communion, l’esprit de la communauté, une vie fraternelle. Quel est l’objectif ? Il s’agit d’aider l’autre à se sortir de son aveuglement, d’éclairer sa conscience en lui apportant la lumière de la Parole car il ne voit pas qu’il fait du mal, qu’il est sorti du cadre défini par la Loi de Dieu, par l’Alliance avec Lui comme le rappelait St Paul aux Romains. Jésus nous dit aussi que nous sommes responsables les uns des autres : je suis responsable de l’autre et l’autre responsable de moi. Il décrit ensuite des étapes pour marquer une progression : d’abord seul à seul. Le face à face est délicat. Il ne s’agit pas d’humilier en public, mais d’agir dans le respect de l’autre et d’être un ambassadeur de Dieu, comme le bon berger qui va chercher la brebis qui s’est perdue (cf Lc 15, 1-7).
Ensuite, c’est avec 2 témoins : des personnes qui viennent confirmer que le premier ne s’est pas trompé ; comme des parents qui reprennent un de leur enfant. Il s’agit de donner une nouvelle chance, car nous avons tous le droit de nous tromper, le droit à l’erreur.
Enfin, s’il n’est pas possible de faire autrement, c’est seul devant tous : la communauté est là pour aider, c’est ta famille. On en parle en famille car on t’aime, on veut ton bien, que tu vives, que tu choisisses la vie et rejette ce qui détruit, ce qui n’est pas dans la logique de l’amour de Dieu, du prochain et de soi (cf Dt 30,15-20)
Ce thème de la fraternité, c’est celui qui traverse l’histoire humaine et biblique depuis Caïn et Abel, en passant pas Esaü et Jacob, Joseph et ses frères pour ne rester qu’au livre de la Genèse. C’est ce thème de la fraternité universelle qui va être celui de la prochaine encyclique du Pape ("Fratelli Tutti"), dans le prolongement de celle sur la Maison commune qui est danger (Laudato Si', 2015).
Ez 33, 7-9 ; Ps 94 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20
P. Olivier Joncour