Sacrifices, signes et sagesse (4.03.2018)
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Dimanche 4 mars 2018 3° dim de Carême B St Pierre St Paul Colombes
Sacrifices, signes et sagesse
Ce dimanche, tout se passe dans un cadre grandiose : au Sinaï, Dieu parle à Moïse et lui donne les Dix Paroles. Elles viennent poser un cadre de vie dans les relations de celui qui fait partie du Peuple de l’Alliance avec le Seigneur qui l’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage, et à l’intérieur du peuple élu. C’est une Loi, un pacte où il y a des engagements réciproques : de Dieu vis-à-vis du peuple et du peuple vis-à-vis de Dieu.
Le cadre où Jésus se tient n’est pas moins grandiose car il s’agit du Temple de Jérusalem, lieu où les Juifs venaient prier, où étaient offerts les sacrifices d’animaux pour demander pardon, pour retrouver la communion ou la pureté, pour remercier. Jésus arrive de Cana où il a opéré son premier signe : à la suite du manque de vin pendant un mariage, il a transformé de l’eau en vin meilleur que le premier servi (Jn 2, 1-12). Quand on lui demande quel signe il peut donner pour expliquer d’avoir expulsé les marchands du Temple, il annonce sa résurrection des morts, son corps relevé en trois jours. Le SIGNE des signes, mais pour l’instant, ce n’est pas l’ « Heure » (Jn 2,4b . 13,1). Il donne en même temps la clé d’interprétation de ce qu’il dit et fait : ce n’est que plus tard, après Pâques, après sa résurrection qu’ils pourront comprendre et se rappelleront ce qu’il avait dit : ils crurent l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite. Il y a une cohérence interne, une logique dans toute sa vie.
Dans la tête de beaucoup de nos contemporains, le christianisme est parfois associé à la religion des sacrifices. Est-ce vraiment le cas ? Qu’est-ce qui leur permet de le penser ? Il y a sans doute des discours datés d’un certain dolorisme ou de jansénisme condamné par l'Eglise, comme s’il fallait souffrir pour être un bon chrétien. Si nous lisons attentivement les récits de la Passion de Jésus, comme nous les entendrons le dimanche des Rameaux et de la Passion et le vendredi saint, s’il est notre Sauveur, ce n’est pas parce qu’il a souffert qu’il nous a sauvés, mais parce qu’il nous a aimés, qu’il n’a fait qu’aimer son Père et la multitude. Dans beaucoup de religions, y compris le judaïsme, il existe tout un système basé sur les sacrifices. Rappelons-nous « les présents d’Abel le Juste (Gn 4), le sacrifice de notre père Abraham (Gn 22) et celui de Melchisédech (Gn 14,18) ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait » mentionnés dans la première Prière eucharistique (Canon romain) que nous prendrons ce dimanche. Avec Jésus, qui a donné sa vie de façon parfaite, comme grand prêtre, et comme l’Agneau de Dieu qui prend sur lui le péché du monde (cf Jn 1,36), il a réalisé « le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait, pain de la vie éternelle et coupe du salut » (PE I). Il met ainsi fin à tout le système cultuel et sacrificiel du temple. Dans le christianisme, il n’y a donc pas de sacrifice : pourtant trop de personnes parlent encore des sacrifices qu’ils font pendant le Carême. Parlons plutôt de renoncements, de privations qui coûtent. Réécoutons ce que St Paul demande aux Romains comme seul sacrifice, c’est-à-dire comme seule offrande : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. » (12,1) Autrement dit, quand le prêtre présente le pain et le vin, il prend et présente aussi chacune de nos vies. Pourquoi ? Mais la messe n’est pas un spectacle où nous regarderions Jésus s’offrir à Dieu le Père sur la croix. Non, nous devons entrer dans l’élan de Jésus qui donne sa vie au Père.
Le christianisme n’est pas une religion de plus, mais c’est à vivre comme une relation et une amitié avec Jésus, le Fils de Dieu fait homme. Le christianisme n’est-il pas alors une troisième voie entre les Juifs qui réclament des signes miraculeux, s’attendant encore à un acte de la puissance de Dieu comparable à l’ouverture de la Mer Rouge (Ex 14), et les Grecs qui recherchent une sagesse, une philosophie, ou une sagesse orientale à la manière du bouddhisme qui fascine et séduit tant de nos contemporains en occident. Cette troisième voie peut rejoindre les deux autres. En effet, du côté des juifs, combien de signes leur a-t-il donné de sa filiation divine, de la gloire qu’il partage avec son Père et l’Esprit Saint, à commencer par l’eau changée en vin au mariage à Cana (Jn 2, 1-12), juste avant cette première montée de Jésus à Jérusalem. Il y aura d’autres signes entre les chapitres 2 et 12 de St Jean. Du côté des Grecs, certaines paroles de Jésus ne sont-elles pas empreintes de sagesse, non pas une sagesse terrestre, mais céleste, une sagesse que des écrits post-exiliques proposent aux juifs, une sagesse personnifiée dans certains écrits bibliques de sagesse, une sagesse qui n’est pas dénuée de Raison, de Logos.
Cependant, de façon déconcertante, ce Jésus Messie rejeté, Messie souffrant et défiguré sur la Croix est celui dont les mains et les bras ouverts sont tendus vers les Juifs et les Grecs. Certains ont pris et saisi sa main, car ils avaient découvert et compris, au-delà de leur logique, que sa faiblesse était en fait puissance de Dieu pour laisser l’homme agir, que sa pauvreté et sa proximité des exclus, des malades et des pécheurs est puissance amoureuse de Dieu.
Finalement, si Jésus a piqué une colère dans le Temple, sans avertissement préalable, c’est parce qu’il voulait faire bouger le système qui reposait sur les animaux offerts à la place de soi et le dérapage d’un rapport marchand dans la prière avec Dieu : 'si je t’offre ce sacrifice, tu feras bien quelque chose pour moi.' Demandons-Lui de purifier notre manière de prier et de le considérer pour QUI IL EST, le Seigneur.
Ex 20, 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
P. Olivier Joncour
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