Perte, désir, enquête et retrouvailles Ste Marie-Madeleine (21.07.2024)
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Dimanche 21 juillet 2024 Ste Marie-Madeleine Gennevilliers
Perte, désir, enquête et retrouvailles
La Bien-aimée du Cantique des cantiques est une femme amoureuse, passionnément amoureuse de son Bien aimé. Ils se sont rencontrés. Et pour un temps, il n’est pas là et elle ignore où il est. Cette absence est difficile pour elle. Cette femme fait donc tout pour le retrouver. Elle fait une enquête. Elle interroge les personnes qu’elle rencontre. Son désir de le retrouver grandit au fil du temps qui passe. Elle ne peut demander à personne de faire sa recherche à sa place, car son Bien aimé est sa raison de vivre, d’aimer. « Un être vous manque et tout est dépeuplé » a écrit un poète français (Alphonse de Lamartine, L’isolement) Que deviendra cet amour de jeunesse, enflammé dont il est dit dans les derniers versets dans un extrait du chapitre 8 que l'on entend souvent lors de mariages à l'église : « l’amour est fort comme la Mort, la passion, implacable comme l’Abîme : ses flammes sont des flammes de feu, fournaise divine. Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves l’emporter. » (Ct 8, 6b-7a).
Le Bien-aimé existe. On ne sait pas s’il recherche aussi sa Bien-aimée de son côté. Mais très probablement ! On se représente facilement le moment de leurs retrouvailles, notamment le regard que la bien-aimée a porté sur celui qu’elle aura enfin retrouvé.
Dans ce livre de la Bible, il y a une surprise pour le lecteurs qui lit les huit chapitres : c’est un manque. Jamais, je dis bien jamais, le nom de Dieu n’apparaît ! Il y a juste l’expression « fournaise divine » qui l’évoque pour définir cet amour passionné et passionnant. Les lecteurs seront aussi étonnés du caractère sensuel et même érotique à certains moments de ce chant de l’amour. Qu’est-ce qu’un tel texte vient donc faire dans la Bible ? C’est la Bonne nouvelle de l’Amour conjugal voulu par Dieu pour l’homme et la femme.
Au-delà de la recherche amoureuse, il y a eu des interprétations plus spirituelles dans le judaïsme : des rabbins ont comparé le Bien-aimé au Seigneur, et sa bien aimée au peuple d’Israël. Et lorsque Jérémie dit au Seigneur : « Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi » (Jr 20,7a), c'est dans un contexte où on se moque de lui et qu'il regrette d'avoir accepté.
Dans le Nouveau Testament et en particulier, dans la lettre aux Ephésiens, St Paul donne pour modèle du mariage entre l’homme et la femme à l’Alliance entre le Christ Jésus et l’Église (5, 25-29). De son côté, pour exprimer le manque et le désir, comme un aimant, St Augustin a écrit dans ses Confessions : « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ». Dans son livre Les Cantiques spirituels, St Jean de la Croix, un grand mystique espagnol de l’époque de Ste Thérèse d’Avila, a commenté chaque verset de ces 8 chapitres comparant le Bien-aimé au Christ Jésus et la Bien-aimée à l’âme de toute personne.
Plusieurs mystiques ont connu des extases qui n’étaient pas de l’ordre imaginaire ou rêvé, mais ils ont été saisis dans leur corps, comme la Grande Thérèse, Thérèse d’Avila qui a réformé le Carmel, et dont une statue du sculpteur Bernin dans une chapelle à Rome, montre ce qu’elle a vécu, dans une forme d’union mystique très forte.
Les mots de la Bien-aimée ressemble à ceux que Marie de Magdala devait avoir dans le coeur en quittant les disciples pour rejoindre le tombeau et de son ami, de son maître - Rabbouni - , certainement pas son amant comme bien des auteurs ont cherché à imaginer une relation amoureuse entre elle et Jésus, dont le livre Da Vinci Code (Dan Brown) paru en 2005. Celle que nous fêtons aujourd’hui avec un jour d’avance sur le jour officiel, et à laquelle cette église est placée sous son patronage, contrairement à la Bien-aimée du Cantique, n'a pas pu saisir le Ressuscité, sans plus jamais le lâcher. Au contraire, le Vivant va l'aider à passer d'un amour possessif en mettant la main sur lui, à un amour oblatif?
Avec cette sainte qui a été si loin de Dieu à une période de sa vie, des personnes, hommes ou femmes d’ailleurs, qui ont connu les bas fond de la vie terrestre et la noirceur de l’âme humaine, loin de la lumière divine, ont une femme qui est passée par là avant elles : un chemin de guérison, un chemin de salut, un chemin de relèvement et de résurrection, un chemin de renaissance, de remontée à la surface pour sortir de son terrier pour rejoindre des frères et des sœurs bien vivants
Il y a parmi nous des hommes ou des femmes qui ont vécu ce passage de la mort spirituelle à la vie en Dieu. L’écoute du récit de leur retournement, de leur retour au Seigneur est toujours saisissant et impressionnant, voire marquant, au sens où il laisse une trace dans notre mémoire
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