Nos angles morts Homélie 26° dim TO C (25.09.2022)

Dimanche 25 septembre 2022 26° dim TO C St Jean des Grésillons Gennevilliers

Nos angles morts

Quels sont les 3 Lazare que nous connaissons ? Il y a Lazare le pauvre de la parabole. Il y a ensuite le frère de Marthe et Marie que Jésus a réveillé de la mort (cf Jn 11). Il y a le 3° enfant de Benoît et Janka, né cet été !

Comme le riche ne voyait pas Lazare qui était à sa porte, nous avons tous des oeillères. Celles-ci sont mises sur les côtés extérieurs des yeux des chevaux pour les empêchés d’être distraits par les mouvements des autres. Il peut arriver que ces oeillères personnelles recouvrent entièrement nos yeux et nous aveuglent, comme le riche qui ne voyait pas le pauvre Lazare qui était pourtant devant son portail. Pour certaines personnes c’est une personne qu’elle ne supporte pas à cause d’un trait de sa personnalité ou de quelque chose qu’elle a pu faire ou dire. C’est une forme d’exclusion.

Pour d’autres, c’est une catégorie de personnes à cause d’une caractéristique précise : la personne handicapée, l’étranger, la personne très âgée en fin de vie, la personne qui souffre beaucoup, les pauvres, les précaires, … Rappelons-nous : il y a 2 ans et 1/2 lors du 1° confinement, une partie nombreuse de la population, souvent plus aisée, avait "découvert" les « invisibles » qui se levaient très tôt et prenaient la ligne 13 du métro à partir de 5h du matin, qui prenaient soin des malades, qui assuraient le transport des marchandises et le ravitaillement des produits frais, les éboueurs, etc.

Pour d’autres, c’est une partie de l’espace, d’une ville, d’un pays, d’un continent ou du monde. Pourtant, cette personne ou cet espace existent bien dans la réalité, mais c’est comme si leur cerveau avait effacé volontaire-ment ou non cette réalité, celle des banlieues, de la violence, ou des grandes zones rurales où il y a très peu de personnes qui y vivent soit parce que les conditions climatiques y sont très difficiles, soit parce qu’il n’y a rien à raconter selon la grille des critères anxiogène de nombreux médias. Depuis quelques mois, nous avons vu apparaître des autocollants sur les camions et les autocars prévenant les automobilistes et conducteurs de deux roues qu'il y a des zones que les chauffeurs ne voient pas.

Prenons le temps de lire le court Message du Pape François pour la 108° Journée mondiale des migrants et des réfugiés : « Construisons l’avenir avec les migrants et les réfugiés » (25.09.2022). Ce n'est pas construisons POUR mais AVEC !

Dans certaines situations, la psychologie explique que c’est à la suite d’une violence physique ou psychique et que c’est ainsi que l’esprit humain se défend pour continuer à vivre malgré tout. On enfouit, on enterre, mais c’est toujours là jusqu’au jour où tout remonte à la surface, à la conscience, à la mémoire. C’est là qu’il ne faut pas rester seul mais se faire aider, être accompagné.

Qui habite dans le quartier des Grésillons, côté Asnières, entre l’Avenue des Grésillons au nord et le Quai Aulagnier au sud, entre le boulevard Voltaire à l’ouest et la rue Henri Chapron à l’est ?

Avec l’Equipe d’Animation Pastorale début septembre et le Conseil pastoral mercredi dernier, nous avons pris conscience que nous devions parler autrement : nous ne sommes pas la paroisse de Gennevilliers, mais celle de Gennevilliers et d’Asnières-Grésillons.

Au niveau superficie, ce quartier représente la moitié de la partie de la ville de Gennevilliers où il y a des logements. Beaucoup d’entre nous l’ignorions, nous n’en avions pas conscience. Et pourtant ce territoire fait pleinement partie de notre paroisse. D’ailleurs de plus en plus de couples qui y habitent demandent à se préparer au mariage ou à faire baptiser leurs enfants. C’est pourquoi, nous avons décidé de mieux faire connaître notre église aux habitants de ce quartier en plein renouveau, où les immeubles sortent de terre, où de nouveaux habitants et de nouvelles familles arrivent. Nous irons à leur rencontre avant la fête de la Toussaint, avant Noël, avant le Mercredi des Cendres, avant la Semaine sainte et Pâques.

Revenons à la parabole. Les deux meurent. Ce qui arrive ensuite diffère : pour Lazare, le pauvre, les anges l’emportèrent auprès d’Abraham tandis que pour le riche, on l’enterra. Et ensuite, ils peuvent communiquer ensemble même s’ils ne sont pas du même côté du grand abîme. La vie continue après la mort même si c’est selon des modalités et des « lieux » différents. Qui est le Dieu d’Abraham ? Comme le dira plus tard Jésus, « il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants » (Lc 20,38a).

Avez-vous entendu à qui Jésus adresse cette parabole ? Ce n’est ni à la foule, ni aux disciples ni aux apôtres, mais à des pharisiens qui sont comme le riche qui ne voit le pauvre, c’est-à dire les pécheurs et les publicains que Jésus fréquente. Et quand le riche veut renvoyer Lazare prévenir ses cinq frères, ils n’écouteraient pas Lazare les inviter à se convertir dans la mesure où ils l’ignoraient déjà de son vivant. Pour le riche, le retour de Lazare semblerait possible et il ne l’envisage pas du tout pour lui.

Les évangélistes ne racontent pas de conversion de pharisiens. Cette parabole raconte leur résistance à la résurrection de Jésus qui arrivera plus tard ! Ils ne pourraient être convaincus intellectuellement que par des faits vérifiables et démontrables. L’enjeu est d’écouter vraiment Moïse c’est à dire la Torah, la Loi, le Pentateuque, et les prophètes où la résurrection est déjà annoncée. C'est ce que Jésus ressuscité fera plus tard avec ses deux disciples attristés de retour à Emmaüs au sujet du scandale de sa Passion, de ses souffrances et de sa mort, en leur ouvrant les Ecritures (cf Lc 24, 25-27).

Am 6, 1a 4-7 ; Ps 145 ; 1 Tm 6, 11-16 ; Lc 16, 19-31
P. Olivier Joncour