La crise Homélie Vendredi saint Office de la croix (29.03.2018)
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Vendredi saint 30 mars 2018 Office de la croix St Pierre St Paul Colombes
La crise
A cette heure-même, nos frères aînés dans la foi commencent à célébrer la Pâque. Pendant le carême, nous avons fait le plein d’essentiel. Dimanche, nous avons acclamé Jésus entrant à Jérusalem. Hier soir, nous avons partagé son dernier dîner et lavé les pieds.
La Passion de Jésus le Christ, c’est

- la difficulté de vivre la fraternité : les compagnons de route de Jésus, ses disciples qui marchaient dans ses pas ont fui : l’un d’eux le trahit, un autre le renie trois fois. La même femme, racontent les 4 évangélistes, est présente au pied de la croix et le matin du premier jour de la semaine, Marie de Magdala. Pourtant, sur la croix, Jésus regarde encore Jean comme un frère à qui il confie sa mère, alors que lui, comme fils unique, il ne pourra plus s’occuper d’elle après sa mort. Dans la version de St Luc, il vit une expérience de fraternité avec l’un des autres condamnés à mort qui prend sa défense et à qui il promet une place au paradis (Lc 23, 40-43).

- la difficulté à prier dans l’épreuve : Pierre, Jacques et Jean ont du mal à rester éveillés et à prier avec et pour Jésus pour ne pas entrer dans la tentation de faire sa volonté et pas celle de Dieu le Père. Pourtant, ce qui se passe d’un bout à l’autre de la Passion de Jésus est marqué par des psaumes que Jésus vit dans sa chair : Ils se sont partagés mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. (Ps 21,19) ; J’ai soif (Ps 68,22) Comment Jésus a-t-Il pu tenir physiquement, psychologiquement et moralement s’il n’était pas dans une communion forte avec Dieu le Père ?!

- le refus du témoignage : alors que par trois fois, Pierre est interrogé sur son lien avec Jésus, il refuse de se reconnaître comme étant l’un de ses disciples. Du côté de Jésus, ses mots sont comptés. Il ne gâche pas sa salive. Et il garde même le silence à certains moments : maintenant, les mots ne sont plus suffisants : ce sont les actes qui parlent, ce sont les attitudes qui sont témoignage de vie : ils viennent confirmer ce que Jésus a dit : ma vie « nul ne peut me l’enlever, je la donne de moi-même. » (Jn 10,18a)

- la difficulté à entrer dans l’esprit du service : après la troisième annonce de la passion, de la mort et de la résurrection, Jacques et Jean pensent aux places d’honneur. « A l’heure de passer de ce monde à son Père » (Jn 13,1), Jésus, lui, le Maître et le Seigneur a donné une leçon à ses amis qu’il n’appelle plus serviteurs : il s’est fait le serviteur de tous en leur lavant les pieds et en nous demandant d’en faire autant (Jn 13, 4-17).

- la formation que Jésus a donnée pendant trois ans est un échec : ceux qu’il a appelés, ceux avec lesquels il a vécu, ceux qui ont été témoins de ses signes de puissance de vie et d’amour, ceux qui ont tout quitté pour Le suivre, ceux qui ont écouté ses paraboles, ceux qu’il voulait garder dans l’unité se sont dispersés, se sont volatilisés. C’est une crise grave. Une crise très grave. De son côté, Jésus continue sa formation autrement, dans son dialogue avec les responsables juifs, avec le gouverneur romain. Il ne se dérobe pas. Il ne fuit pas. Il est là. Il a en tête et dans le coeur la promesse du Seigneur à Isaïe : Mon serviteur réussira ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! Il étonnera une multitude de nations.

Dans le film ‘La prière’ de Cédric Kahn, le jeune Thomas vit une vraie rédemption. Il vient d’échapper à la mort. Comme les autres drogués, il vit un véritable esclavage, une vraie dépendance dans la mesure où sa seule préoccupation était la recherche d’argent pour se payer sa dose d’héroïne. Il est méconnaissable, isolé et coupé des autres. Il a vécu l’enfer sur terre malgré les promesses - fausses - des paradis artificiels. Il arrive dans une communauté de jeunes hommes qui ont traversé le même enfer que lui. C’est la vie en fraternité, rythmée par le travail manuel et la prière, calquée sur la vie monastique et même la règle de St Benoît : ‘ora et labora’ : prière et travail. Un « ange gardien » veille sur lui pour l’empêcher de s’isoler, de tricher. Dès que l’un d’eux manque à l’appel, les autres organisent sa recherche. Il traverse des combats intérieurs. Il se perd en montagne avant de se retrouver. Il fait semblant d’être heureux avant d’être renvoyé à lui-même par une religieuse. Et l’amour et l’espérance d’une jeune femme lui font reprendre pied dans le réel. L’amour inconditionnel et indéfectible de Dieu en Jésus sauve le monde.

Nous allons venir vénérer la croix, car nous annonçons un messie crucifié. Et comme l’écrit St Paul aux Galates : « avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. » (Ga 2, 19b-20)
Is 52,13 - 53,12 ; Ps 30 ; He 4,14-16 . 5,7-9 ; Jn 18,1 - 19,42
P. Olivier Joncour
La prière (21.03.2018) - Catholiques à Colombes
Film de Cédric Kahn. Avec Anthony Bajon (Ours d'argent du meilleur acteur, Festival de Berlin 2018) Sortie en salles, le 21 mars. A l'Hélios de Colombes jusqu'au 3 avril. Ne le manquez pas !