Des enseignants engagés et attentifs Homélie 30 dim TO C (23.10.2022)
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Dimanche 23 octobre 2022, 30° dim TO C, Issy les Moulineaux
Rencontre nationale CdEP "Enseigner entre idéal et réalité"
Des enseignants engagés et attentifs
Ne rêvons et n’idéalisons pas une prière parfaite. Il n’y a pas de formule magique qui obtiendrait automatiquement ce que nous demandons à Dieu. Après le chap 11 sur le Notre Père et la demande de l’Esprit Saint (Lc 11, 1-13), Jésus reprend ce thème dans la première moitié du chapitre 18 en commençant par la parabole entendue dimanche dernier, du juge qui pour avoir la paix rend la justice puis celle que nous venons d’écouter.
La 1° lecture est source d’inspiration pour nombre de professions dont les enseignants, directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée : L’enseignant se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la demande de l’opprimé. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée du mineur isolé, de l’enfant étranger qui ne parle pas un mot de français dont l’Ukrainien qui connaît l’alphabet cyrillique mais ignore le latin.
Et les enseignants dont la retraite approche pourraient reprendre les mots de St Paul à Timothée : le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir les palmes académiques. Le Seigneur, le juste juge, me les remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré la reconnaissance que j’ai attendue de l’Institution et qui n’est jamais venue. La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous mes collègues m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, ma mission d’enseignant s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les générations l’entendent.
Dans la parabole, Jésus fait à nouveau preuve d’une grande délicatesse et espère être entendu par ceux qu’ils visent : certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres. Nous l’avons bien compris, ce sont les Pharisiens de l’époque et tout orgueilleux qui se juge supérieur aux autres, qui se compare en cherchant des éléments qui lui sont favorables : il s’élève en s’appuyant sur les épaules des autres et en les écrasant. Il est son propre juge. Il est celui qui fait tout par force, par volonté, par obligation et respect de la Loi et rien par amour, ni avec la grâce de Dieu. Il y a une forme de pélagianisme : c’est-à-dire de tout faire en ne comptant que sur ses seules forces, sans rien attendre de Dieu ni des autres. Avec le gnosticisme, le pélagianisme fait partie des « deux ennemis subtils de la sainteté » écrit le Pape François dans la 2° partie de Gaudete et Exsultate (n°35-62). Ecoutons le n°49 puis le 57 : « en définitive font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique » (49) et « Il y a encore des chrétiens qui s’emploient à suivre un autre chemin : celui de la justification par leurs propres forces, celui de l’adoration de la volonté humaine et de ses propres capacités, ce qui se traduit par une autosatisfaction égocentrique et élitiste dépourvue de l’amour vrai. » (57).
Quel chemin de vie le Christ Jésus propose-t-il ? C’est le Chemin qu’il a vécu : la douceur et la paix comme deux béatitudes le proposent face à la violence des mots et des gestes ; la pauvreté et la simplicité pour se mettre à la hauteur du petit comme dans les maraudes, comme une belle photo de Madeleine Delbrel la montre accroupie en train de discuter avec une petite fille dans la même position, face à elle. Lors de l’AG à Angers les 11 et 12 mars 2023, nous aurons l’occasion de découvrir et approfondir sa vie et méditer à partir des attitudes spirituelles de cette athée saisie par le Christ et témoin de l’Evangile dans sa banlieue rouge et athée d’Ivry.
Quelle place accordons-nous à la vulnérabilité, à la fragilité ? La nôtre ? Celle des autres ? Ecoutons ce que François écrit en lien avec la mission dans la 2° partie du 131 : « Reconnaissons notre fragilité mais laissons Jésus la saisir de ses mains et nous envoyer en mission. Nous sommes fragiles mais porteurs d’un trésor qui nous grandit et qui peut rendre meilleurs et plus heureux ceux qui le reçoivent. L’audace et le courage apostoliques sont des caractéristiques de la mission. » Au numéro 15, il conseille : « lève les yeux vers le Crucifié et dis-lui : ‘‘Seigneur, je suis un pauvre, mais tu peux réaliser le miracle de me rendre meilleur’’. » Et comme pour enfoncer le clou, au numéro 52 : « nous ne sommes pas justifiés par nos œuvres ni par nos efforts mais par la grâce du Seigneur qui prend l’initiative. »
Finalement, nous sommes comme ce simple serviteur qui n’a fait que son devoir, ce qui lui est demandé, qui sert son maître à table à son retour des champs (cf Lc 17,9), ce maître qui correspond à chaque élève, le plus génial comme le plus pénible, le plus joyeux comme le plus triste, le plus courageux comme le plus lâche, celui qui a conscience de ce qu’il reçoit comme celui qui n’en a rien à faire, le plus motivé comme le moins. Remercions le Seigneur pour ce qu’Il nous donne et nous a permis de devenir grâce aux collègues et aux élèves rencontrés et pour ce qu’ils ont pu recevoir à travers nous sans que nous ne le sachions !
Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2 Tim 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14
P. Olivier Joncour