D'une rive à l'autre Homélie 12° dim TO B (23.06.2024)
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Dimanche 23 juin 2024 12° dim TO B Entrée en catéchuménat St Jean Ste MMadeleine Gennevilliers
D'une rive à l'autre
Chères Brigitte et Farida / Chères Océane, Victoria, Nolwen et Marine,
Au nom de l’Église et de notre communauté paroissiale de Gennevilliers et Asnières-Grésillons, je vous remercie de vos demandes respectives qui nous donnent beaucoup de joie. Et pourtant, je sais par vos confidences que ce n’est pas facile pour vous. Alors je salue votre persévérance, votre ténacité et votre courage. Depuis plusieurs mois, vous êtes accompagnées dans cette préparation au baptême. Vous êtes confrontées à des difficultés, des obstacles, des freins parfois en vous face à la décision que vous prenez, quand ce ne sont pas des attaques extérieures de personnes que vous connaissez bien ou pas notamment sur les réseaux sociaux.
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A certains moments, vous devez vous sentir proches de Job, ce croyant qui a tout perdu, ses richesses matérielles, ses troupeaux, ainsi que sa femme et leurs enfants. Quelle solitude ! Quel isolement ! Et quand certains de ses amis viennent le voir, ce n’est pas pour le réconforter ni pour lui redonner de l’espérance, ni pour le consoler, mais c’est pour l’accabler, pour l’interroger et l’accuser ! « S’il t’est arrivée une telle catastrophe, c’est que tu as dû faire quelque chose de grave et c’est pourquoi il te punit. Cherche bien. » Et Job, en toute lucidité ne trouve rien qu’il aurait pu faire de grave qui lui aurait valu une telle peine.
Au coeur de la tempête, le Seigneur lui parle dont quelques versets que nous avons écoutés. Job ne peut que garder le silence devant l’oeuvre magnifique du Seigneur. Et c’est au coeur de cette expérience qu’il a fait une vraie rencontre personnelle qui lui fera dire : « Je ne te connaissais que par ouï-dire. Maintenant, mes yeux t’ont vu » (Jb 42, 5) C’est d’autant plus difficile à vivre que ce sont parfois des proches qui ne comprennent pas, ou que votre démarche laisse indifférents, alors que vous vivez quelque chose de très fort si bien que vous avez envie que tout le monde partage vos découvertes qui vous donnent de la joie, la « joie de croire, [la] joie de vivre » (François Varillon). Et Jésus nous a prévenus : « ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère. » (Lc 12,53) En effet, choisir le Christ, choisir de devenir son disciple ne va pas sans changements personnels, sans repositionnements dans les relations existantes : quand tu bouges intérieurement, certains bougent aussi tandis que d’autres n’y sont pas prêts et se durcissent.
Et c’est là que vous découvrez que le Seigneur est un rocher sur lequel vous pouvez bâtir (cf Mt 7,24) votre vie nouvelle : il est à vos côtés, il ne vous abandonne pas, il est fidèle, il est discret. Il ne vous laisse pas seules. Il vous confie à sa Famille, à l’Église, à une accompagnatrice, à la prière d’autres frères et sœurs aînés dans la foi, aux encouragements et aux soutiens conscients ou non. Nous ne sommes pas seuls à traverser une tempête. Nous sommes avec d’autres disciples, connus ou pas, mais dans la même barque, celle de l’Eglise. Il y a des frères et des sœurs. Il y a des visages connus et beaucoup encore d’inconnus. Dans cette tempête, il y a ceux qui sont réveillés et qui ont bien conscience des dangers qu’il faut affronter. Et alors que vous ne l’aviez pas encore remarquées, il y a aussi un homme qui dort profondément à l'arrière de la barque et que cette tempête n’effraie pas. C’est Jésus, lui dont le prénom signifie « Le Seigneur sauve ».
Quand on est à plusieurs, la peur peut être contagieuse, d'une personne à l'autre puis à tout le groupe. Au contraire, on peut aussi se serrer les coudes, et la prière nous aide. A la question, suis-je le seul ou la seule à qui cela arrive, ou à ressentir cela, vous découvrez que non. D’ailleurs, il n’y a qu’à lire certains psaumes pour comprendre que ces hommes pétris de Dieu ont connu des attaques, des épreuves dont ils sont sortis vivants, mais transformés car ils ont pu écrire le psaume.
Cela fait déjà plusieurs mois que vous avez quitté la rive de l’ancien monde dans lequel vous viviez. Vous avez accepté de vous laisser guider, de prendre la main du Christ Jésus, de marcher à sa suite, de l’écouter, de mettre en pratique ce qu’il demande comme chemin de vie et de bonheur même si c’est parfois tellement loin de ce que vous auriez imaginé et à contre-courant de ce que vous viviez avant. Vous l’avez entendu dire : passons sur l’autre rive ! De la rive de la mort, à la vie. De la rive de la peur à la foi. De la rive de la méfiance à la confiance. De la rive des idoles et des mirages à la vie avec le vrai Dieu. De la rive des aveuglements à l’émerveillement et l’action de grâce. Qui que nous soyons, le Seigneur nous fait vivre une traversée, un passage de la mort à la vie. C’est la logique du Mystère pascal. Cette traversée demande du temps. C’est un processus où nous ne maîtrisons pas grand chose, où nous ignorons ce que nous vivrons, où il y a du brouillard. Et l’autre rive est une terre inconnue, comme celle de Canaan où les hébreux, après avoir traversé le Jourdain à pieds secs (cf Jos 3), sont entrés après les 40 années de marche depuis leur sortie d’Egypte : 40 années pour sortie de l’esclavage et apprendre à vivre en hommes et femmes libres dans le cadre de l’Alliance, grâce au don de la Loi, à l’aide du Seigneur qui soutient, encourage, relève après être tombé ou s’être perdu. Ce Dieu en son Fils Jésus-Christ et par son Esprit d’amour et de vie est littéralement incroyable et surtout capable de faire est bien plus grand que ce que nous pouvons imaginer.
Jb 38, 1.8-11; Ps 106 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41
P. Olivier Joncour