Un autre peuple Homélie 27° dim TO A (5.10.2014)

Dimanche 5 octobre 2014 27° dim TO A St Pierre St Paul Colombes

Un autre peuple

C’est la troisième parabole que Jésus raconte où il est question de la vigne. Il y a deux semaines, dans la parabole des ouvriers embauchés à toutes les heures de la journée (Mt 20, 1-16), nous découvrions que Dieu notre Père voulait que le plus grande nombre travaille à sa vigne peu importait l’heure d’arrivée. Dimanche dernier, dans celle du père et des deux fils (Mt 21, 28-32), nous avons vu que le critère important est de faire la volonté du Père. Et ce dimanche, c’est la parabole des vignerons meurtriers que Jésus raconte à Jérusalem.

La parabole

Les vignerons tuent les serviteurs puis le filsCette parabole est un résumé de l’histoire de l’Alliance entre Dieu et le peuple d’Israël, entre le propriétaire du domaine et sa vigne. Déjà le prophète Isaïe était clair en son temps, plus de cinq siècles auparavant. Les vignerons qui doivent prendre soin de la vigne, ce sont les responsables juifs, les chefs religieux qui doivent en prendre soin. Les serviteurs envoyés par lui correspondent aux prophètes appelés par Dieu le Père et envoyés aux juifs aux différentes époques où ils oubliaient l’alliance et ses conséquences religieuses et sociales. Le fils, c’est Jésus, le Fils de Dieu fait homme, que beaucoup de ses contemporains n’ont pas accueilli comme tel. Jésus annonce, de fait, non seulement son rejet mais aussi et surtout sa mise à mort, mort qu’il vivra quelques jours plus tard. C’est donc un échec pour Dieu et pour Israël qui n’a pas été à la hauteur de ce que Dieu attendait de lui. C’est un échec pour Dieu qui avait espéré que les vignerons auraient plus de respect pour le fils que pour les serviteurs. C’est un échec pour le fils. Le cœur des vignerons n’a fait que s’endurcir. Dieu ne se décourage pas pour autant. Il a en réserve le reste de l’humanité, la multitude, à qui il veut toujours se faire connaître. En expulsant le fils, celui-ci est en fait confié au reste de l’humanité. Il annonce aussi un temps nouveau, une nouvelle ère, avec l’avènement de l’Eglise.

Qu’est-ce que cela veut dire pour la communauté chrétienne pour qui St Matthieu écrit ? Ses membres sont majoritairement d’origine juive, de la descendance d’Abraham. C’est un rappel pour eux qu’une partie de leurs frères ont rejeté Jésus, comme ils avaient mis à mort les prophètes. En plaçant dans la bouche de Jésus la phrase : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit. Il les aide à comprendre que l’ouverture aux païens est dans le plan de Dieu.

Et pour l’Eglise, aujourd’hui ? Ne nous croyons pas supérieurs à Israël. Sinon, nous sommes aveugles. Nous courons en effet le même risque de vouloir nous approprier ce qui ne nous appartient pas, comme les chefs des prêtres et les pharisiens à qui Jésus racontait la parabole. C’est le cas à chaque fois que nous cherchons à justifier nos propres idées en citant telle ou telle phrase de la Bible, alors que c’est à partir de la Parole de Dieu que tout doit partir. A chaque fois que nous nous faisons nos propres lois qui n’ont rien à voir ni avec l’esprit ni avec la lettre de la Bonne Nouvelle de Jésus. A chaque fois que nous utilisons les mêmes moyens que le monde pour arriver à notre propre fin, et que nous ne faisons pas la volonté de Dieu avec les moyens qu’Il nous donne. A chaque fois que nous sommes persuadés que nous avons raison car les autres ont tort, en excluant ceux qui pensent autrement que nous, en oubliant que dans une réflexion chrétienne équilibrée, il faut souvent tenir ensemble des aspects différents, par exemple, le respect de la création donnée par Dieu ET la défense de la dignité de tout être humain, par exemple le souci de la recherche de la vérité ET l’amour du prochain, par exemple le respect de la vie dès le commencement ET la protection des pauvres et de l’immigré.

Finalement, quand l’humanité veut prendre pour elle, s’approprier, accaparer, subtiliser, autrement dit voler ce que Dieu veut lui donner, elle ne porte pas de fruit. Rappelons-nous l’épisode imagé d’Eve et d’Adam qui se saisissent puis mangent du fruit de l’arbre dont Dieu ne voulait pas qu’ils mangent (Gn 2-3). Ou quand l’Eglise confie un service à une personne et qu’elle refuse d’en changer, de s’arrêter, de remettre sa charge, soit on n’est plus dans l’Eglise mais dans une secte, soit on n’est plus dans le service, mais dans l’usurpation d’une mission non plus au service du Christ, mais pour sa propre gloire ! Heureusement, « l’Evangile sauvera l’Eglise » (Joseph Moingt). Cette parabole est donc à entendre pour nous comme une mise en garde et une aide sur la gestion de nos déceptions. Quand des parents sont déçus par leurs enfants, quand un groupe est déçu par son responsable, quand un pays est déçu par ses élus, comment gérer nos déceptions ? Remarquons que le Dieu le Père et Jésus ont été déçus à maintes reprises. L’un comme l’autre n’ont pas pour autant perdu l’espérance en Israël et l’humanité. Il y a toujours quelque choses à sauver, à partir du peu qui est bon pour le faire grandir.

Is 5, 1-7 ; Ps 79 ; Ph 4, 6-9 ; Mt 21, 33-43

P. Olivier Joncour

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