Dans la nuit, il n'y a pas de place malgré les Oui de Dieu Homélie Nuit de Noël (24.12.2014)
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Mercredi 24 décembre 2014 Nuit de Noël St EH Colombes
Dans la nuit, il n'y a pas de place malgré les Oui de Dieu
Il y a 100 ans, la première Guerre mondiale déchirait l’Europe quelques mois. Comment les soldats français, anglais, allemands allaient-ils vivre la fête de Noël dans leurs tranchées, dans le froid et la boue, loin de leurs familles ? Y aurait-il une trêve, la trêve de Dieu ? Y aurait-il un assaut surprise de l’ennemi ? Le film ‘Joyeux Noël’ (C. Caron, 2005) a raconté un épisode véridique de fraternisation entre les soldats français, allemands et anglais dans la nuit de Noël 1914. Regardez ce film en famille, cela changera des rediffusions et des bêtisiers de la télé.
Les 5 nuits du monde que le Seigneur fait passer des ténèbres à la lumière : la première, c’est dans le chaos originel, le tohu bohu de la nuit informe (Gn 1, 2-5) que Dieu crée la Lumière et faire du rangement, mettre de l’ordre en séparant ce qui est confus. La deuxième nuit, celle de l’esclavage en Egypte, c’est de là que le Seigneur vient libérer son peuple (Ex). La troisième nuit, c’est à Bethléem que vient naître l’enfant-Dieu qui vient visiter son peuple. Sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. […] Un enfant nous est né, un fils nous a été donné, aurait pu dire Marie et Joseph. La quatrième nuit, c’est celle du mal qui s’acharne sur l’innocent, celle de la mort de Jésus mis au tombeau d’où Dieu va le relever par sa puissance de vie, le ressusciter par sa force d’amour. La cinquième nuit, c’est celle dans laquelle notre monde est parfois plongé : nuit de violence, de la guerre. C’est aussi ma propre nuit : nuit de l’isolement, de la maladie, de l’échec, du mal gratuit, de la division. C’est là que le Seigneur guérit des relations blessées, qu’Il suscite des gestes de fraternité et des paroles de réconciliation. C’est la joie pour tous.
Pas de place : circulez ! A Bethléem, il n’y a pas de place pour Marie et Joseph dans la salle commune. Il y a plus de 2000 ans, « il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas accueilli. » (Jn 1,11) Dans nos vies, il y a de la place pour les courses mais pas toujours pour Dieu. Sur nos places publiques, il y a de la place pour le père Noël, mais pas pour la crèche. A ceux qui se demandent où est Dieu, nous avons peut-être aussi à nous demander quel temps nous Lui donnons chaque semaine, et même, si nous ne L’aurions pas chassé du monde.
Pourtant, il y a les Oui de Dieu : le Oui de Dieu à la vie sur terre, et à l’homme et à la femme (Gn 1,27). Le Oui de Dieu à Abraham et Sara en Isaac. Le Oui de Dieu à Manoah et sa femme en Samson (Jg 13,3). Le Oui de Dieu à Anne en Samuel (1 S 1,19b-20). Le Oui de Dieu à Zacharie et Elisabeth en Jean (Lc 1,13). Le Oui du Fils unique à son Père dans l’incarnation, puis à Gethsémani, et enfin sur la croix. Le Oui de Dieu à Jésus dans sa résurrection. Le Oui de l’Esprit Saint au Père et au Fils qui l’ont envoyé sur l’Eglise à la Pentecôte (Ac 2). Grâce à tous ces Oui de Dieu, bien des croyants ont pu dire « oui » à leur tour : le oui d’Abraham, le Oui de Moïse, le Oui de Josué, le Oui de Jérémie, les Oui de Marie et de Joseph, le oui des mariés, le oui des religieux et religieuses. Tous ces oui qui sont source de Joie, comme la joie de la Nativité qui vient après celle de l’annonciation à Marie et la visitation de Marie à Elisabeth.
Je veux faire le lien avec le très beau film ‘Marie Heurtin’ (J-P Ameuris, 2014). A la fin du XIX°S, cette jeune fille vit trois nuits : la nuit de la vue car elle est aveugle de naissance, la nuit de la parole car elle est sourde et muette de naissance, la nuit des relations car elle est incapable de communiquer avec les autres. Dans le monde, il n’y a pas de place pour Marie : le seul lieu où on pourrait la placer, c’est l’asile pour les fous. Il y a enfin les Oui de Sœur Marguerite, cette jeune religieuse qui sait qu’elle va mourir qui décide de s’occuper d’elle : son oui de relever ce défi : un oui qui se fonde sur l’espérance, un oui qui se développe en amour, un oui qui devient la base d’une relation de confiance. L’élément clé est un couteau. C’est le seul objet auquel Marie est attaché. C’est le premier mot qu’elle apprend de Marie qui associe l’objet au geste. Ce couteau prend du sens : il vient la couper de son passé d’enfermement et il lui ouvre un nouvel avenir fait de relations. Et c’est elle qui pourra ensuite accueillir une autre jeune fille aveugle et sourde, même en l’absence de sœur Marguerite. Elle est née au monde une seconde fois. Elle est née aux autres une seconde fois.
Oui, Dieu nous donne Sa Lumière pour nous sortir des ténèbres. Oui, il y a de la place pour Dieu et pour les autres dans notre monde. Oui, il y a des hommes et des femmes éclairés par cette Lumière divine, ils sont parmi nous !
Is 9, 1-6 ; Ps 95 ; Tt, 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
P. Olivier Joncour