Aimer et bénir Homélie 7° dim TO C (23.02.2025)
-
Dimanche 23 février 2025 7° dim TO C NDA et St Jean des Grésillons Gennevilliers
Aimer et bénir
Entre l’Ukraine et la Russie, on est loin de David et proche d’Abishaï. Entre Israël et Gaza, on est loin de David et proche d’Abishaï.
Le meurtre d’Abel par Caïn à cause d’une jalousie pour que disparaisse celui qui lui faisait de l’ombre n’a rien résolu (Gn 4) et Caïn a porté tout le reste de sa vie l’assassinat de son frère.
/image%2F1489074%2F20250222%2Fob_cd16a5_exode20-13.png%3Fw%3D788)
Dans le Décalogue, les 10 Paroles de vie du Seigneur données au Sinaï à Moïse et son peuple comme Charte de l’Alliance, il y a cet interdit du meurtre : « Tu ne commettras pas de meurtre » (Ex 20,13). Autrement dit, la violence ne résout pas les problèmes, apprenons à parler ensemble, à nous expliquer, à dépasser l’incompréhension ou le malentendu ou la jalousie
Quelques versets plus loin et dans le Lévitique, il est question du célèbre proverbe : « œil pour oeil, dent pour dent » (Ex 21,24 et Lv 24,20) qui limite la vengeance et la violence en retour à ce que la victime a subi, sans aller au-delà, sans entrer dans l’escalade du toujours plus loin : d’abord un regard, puis les insultes, puis les poings, et enfin le coup de couteau, l’épée ou le pistolet.
/image%2F1489074%2F20250223%2Fob_b47d10_capture-d-ecran-2018-05-03-a-10-22.png)
Je vais vous raconter une histoire vécue il y a quelques années dans la paroisse précédente où j’étais. Sur le parvis de la grande église, il y avait un grand auvent qui protégeait de la pluie, si bien que des Sans-domicile fixes aimaient s’y arrêter, s’asseoir, et même y dormir à certaines périodes. Nous savons aussi qu’il existe une forme de solidarité, mais aussi une grande violence entre les personnes : elles se font agresser, elles se font voler leurs affaires si bien que les bagageries solidaires comme à Colombes, à Clichy ou celle de la Maison de la Solidarité de Gennevilliers sont un lieu précieux pour elles pour mettre en sécurité des vêtements et quelques papiers. Un dimanche matin, en arrivant à l’église, j’ai rencontré Karim que je connaissais assez bien : il m’avait raconté une partie de son histoire. Il avait un œil au beurre noir. Il avait été agressé. Comme il disait : « j’ai la haine. Il faut que je retrouve celui qui m’a fait ça et que je le bute. » Quand une personne tient de tels propos, il n’est pas facile de la raisonner, de lui faire voir la vie autrement, des relations différemment. En écoutant ce qu’il avait vécu, j’ai compris pourquoi il réagissait ainsi. Et pourtant, en discutant, je lui ai dit : « une fois que tu lui auras mis ton poing dans la gueule, tu seras soulagé, mais tu auras mal à la main, lui aussi à son œil ou à son nez. Avec le risque d’être arrêté, d’aller en prison, etc Et si finalement, le plus fort n’était pas celui qui frappait le plus fort ? Et si le plus fort, c’était celui qui décidait intérieurement de ne pas se venger, de ne pas tomber plus bas que celui qui l’avait agressé, qui lui avait fait mal. Non pas par lâcheté, mais par grandeur d’âme. Pour rester un homme et ne pas devenir un loup pour l’autre. » Il m’avait dit : « C’est difficile ce que tu me demandes. » Je lui ai répondu : « Je sais, mais je crois que si, finalement, c’est ce chemin que tu choisis, tu pourras être vraiment fier de toi et tous ceux de l’église auront du respect pour toi, car même si tu n’as pas tendu la 2° joue à celui qui t’avait giflé sur la 1° (cf Mt 5,39b), le plus grand, le plus fort dans l’histoire, c’est toi. » C’est la décision qu’il a prise. Et quelques jours après, il m’en a reparlé en me disant : « Tu avais raison. C’était difficile de ne pas casser la figure à celui qui m’avait frappé, mais j’étais tellement fier de pouvoir encore me regarder dans la glace, de ne pas avoir répondu avec les poings. Je ne sais pas jusqu’où cela nous aurait conduit. »
/image%2F1489074%2F20250222%2Fob_3d36d0_luc6-35.png)
Comment est-il possible d’aimer ses ennemis, ceux qui nous veulent ou qui nous font du mal? Comment est-il possible de les bénir, de leur vouloir du bien si ce n’est en opérant une conversion du coeur, une grande conversion, en passant des réactions épidermiques, naturelles à celles du coeur selon Dieu. Il s’agit de passer du premier homme qui comme Simon réagit au quart de tour au dernier Adam, le Christ. Jésus a agi comme David : il ne s’est pas vengé, il n’a pas répondu au mal par le mal. Alors que tant de personnes l'ont insulté pendant qu'il portait la croix, et pendant sa crucifixion, y compris un des deux larrons à côté duquel il était crucifié (Lc 23,39), il ne l'a pas insulté en retour ni condamné du regard ou par une parole de malédiction. Au contraire, il a trouvé dans l''autre un défenseur, un avocat (cf Lc 23,40) Alors que Dieu aurait pu recommencer ce qu’il avait fait au temps de Noé en inondant à nouveau la terre à cause de la méchanceté des hommes, et en sauver 8 et un couple de chaque espèce d’animal (cf Gn 6), il s’est rappelé l’engagement qu’il avait pris de ne pas recommencer (Gn 9,11.15b). Au contraire, Jésus dit à Nicodème, dans la nuit : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jn 3, 16-17) Quand nous sommes jaloux des talents des autres ou de ce qu'ils possèdent, rendons grâce à Dieu pour les dons que les autres ont reçus, et reprenons conscience des nôtres. Nous ne pouvons pas compter sur notre seule volonté : la Parole de Dieu nous éclaire et le don de la force intérieure pour rester en paix et dans la bienveillance est le signe de la présence et du travail du St Esprit en nous.
Le Carême commencera dans dix jous. Arrêtons-nous donc quelques instants et rappelons-nous : quand ai-je décidé de ne pas me venger d’une personne qui m’avait fait du mal? Pourquoi? Sur quoi et sur qui ai-je pu m'appuyer? Qu’est-ce qui m’a aidé? Puis demandons au Seigneur de nous montrer avec qui je peux faire un pas de plus en lui pardonnant dans les prochains jours, les prochaines semaines.
1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 ; 1 Co 15, 45-49 ; Lc 6, 27-38
Père Olivier Joncour
A la suite de cet événement, Karim a demandé à se préparer au baptême !
/https%3A%2F%2Fi.la-croix.com%2F1400x933%2Fsmart%2F2024%2F04%2F18%2F1418966-les-obseques-de-lola-12-ans-assassinee-le-vendredi.jpg)
Mgr Leborgne : " Répondre à la violence par la violence, c'est succomber à la barbarie "
Évêque du diocèse d'Arras, Mgr Leborgne a été confronté à la mort de la petite Lola et à celle du professeur Dominique Bernard, dont il a tous deux célébré les obsèques. Dans ce texte t...
texte est tiré d’une intervention d’Olivier Leborgne à la soirée « Discrédit du politique et emballement de la violence dans la société française » organisée par l’OFC au siège de la CEF, le 2 avril 2024