Heureux les persécutés, artisans de paix, miséricordieux Homélie Toussaint (1.11.2020)

Dimanche 1° Novembre 2020 Toussaint St Jean des Grésillons, Gennevilliers

Heureux les persécutés, artisans de paix, miséricordieux

J’ignore dans quel état d’esprit vous êtes arrivé à la messe ce matin/soir. Certains ont peut-être hésité à venir, à cause du contexte des assassinats de Nice, et sont finalement présents. D’autres, au contraire, se sont dit : « c’est la Toussaint ! Ce sera la dernière messe à laquelle je vais pouvoir participer, à laquelle j’aurai le bonheur de pouvoir communier avant plusieurs semaines. Personne ne peut m’en empêcher ! » N’est-ce pas une provocation de parler du bonheur alors que le nombre de malades du Coronavirus augmente, alors que l’on nous impose de rester confinés chez nous, que l’on ne peut pas faire la fête, ni embrasser ses amis, ni voyager vers un autre continent pour un enterrement, … ?

Qui nous fera voir le bonheur ?

« Qui nous fera voir le bonheur ? » (Ps 4,7) demande un psalmiste. Le bonheur est-il réservé à certains et le malheur à d’autres ? Le bonheur, c’est de rentrer chez soi de bonne heure. N’est-ce pas plus ? Y a-t-il une opposition entre le bonheur terrestre et le céleste, en Dieu où tout est paix, joie, amour. En fait, qu’est-ce qui nous rend profondément heureux ? Le Pape François a commenté chacune de ces béatitudes dans Gaudete et exsultate. Je vous invite à vous y reporter.

Les 9 béatitudes : portrait de Jésus et des disciples

Nous ne pouvons pas nous écouter comme la foule sans nous demander : mais de qui Jésus fait-il le portrait ? De qui parle-t-il ? Bien sûr, il fait le portrait de ses disciples, nous donnant le vertige, car nous avons conscience du fossé entre ce que nous vivons dans notre chair, avec nos réactions humaines et impulsives et ce que le Seigneur nous appelle à vivre, avec entre les deux, la conversion, la transformation à laquelle nous sommes invités avec l’aide du St Esprit, à partir de la Parole, des sacrements et des grâces qu'Il nous donne par les moyens qu'Il veut ! Après le triple assassinat de Nice, jeudi matin, nous ne pouvons pas ne pas nous arrêter sur trois des 9 heureux :

Commençons par le dernier que nous mettons en premier : Heureux si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Jésus a été insulté et persécuté, on l’a blasphémé. Il n’a pas été le premier et ne sera pas le dernier. Il a été condamné à mort pour un faux prétexte. Il n’a pas été égorgé comme l’agneau pascal, mais il a versé son sang. Il a aimé malgré tout. Il a continué à aimer jusqu’à pardonner. N’appelle-t-on pas sa flagellation, sa crucifixion et sa mort, sa Passion ? J’entends les derniers mots de cette mère de 40 ans blessée qui a pu s’échapper et qui a murmuré, avant de mourir : « Dites à mes enfants que je les aime » (Denise, 29.10.2020).

Ensuite, la 7° béatitude : Heureux les artisans de paix. Après avoir été attaqué directement ou indirectement, comment ne pas avoir la rage, ne pas avoir envie de se venger, de laisser monter en soi la colère et la haine, en nous, êtres de chair ? Mais n’est-ce pas ce que les assassins et ceux qui les téléguident cherchent à provoquer : nous entraîner plus bas qu’eux alors que nous condamnons leur manière de faire ? Nous ne nous reconnaîtrions plus ! « Vous n’aurez pas ma haine » (Antoine Leiris) avait dit le mari d’une des victimes du Bataclan en 2015. Qui sera vainqueur ? Qui est le plus fort : celui qui se venge ou celui qui maîtrise cette force de destruction pour demander à Dieu de la convertir en force de vie, en puissance désarmée de résurrection ? Qui ?

Mais nous n’en sommes pas immédiatement à la paix qui demande un grand travail intérieur, comme Ste Marie au pied de la croix, à la mort de son fils qui a souffert, à la descente du corps et à la mise au tombeau, avant de la retrouver avec l’Église des apôtres, en prière, 40 jours après la résurrection. Comme St Thomas qui a refusé de croire le témoignage des Dix autres (Jn 20), comme Saul le persécuteur devenu l’apôtre St Paul (cf Ac 8-9). Le persécuteur a lui aussi été persécuté. Demandons au Seigneur qu’Il touche le coeur des persécuteurs de ses enfants. La paix du coeur, la paix intérieure, avec soi, ses frères et sœurs et le Seigneur ne peut venir qu’après des pleurs et un surcroît d’amour en s’identifiant au Fils qui a prié le Père : « Pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34a)

Et en 3°, la 5° béatitude : Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde. C’est la dernière étape : celle du pardon, après un long processus, comme St Jean-Paul II qui a pardonné celui qui avait tiré sur lui. « Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal » écrit St Paul aux Romains (Rm 12,14a).

Bienheureux Carlo Acutis

Finalement, nous ignorons comment une vie peut en influencer d’autres à travers des actes, des paroles, des regards, des prières. Jeudi soir, Mgr Eric Moulin-Beaufort, l’archevêque de Reims, rappelait combien « la dignité de la réaction des catholiques de France, après l’assassinat du Père Hamel, avait impressionné et avait contribué, de manière plus ou moins visible, plus ou moins sensible, mais réelle, à transformer le regard d’un certain nombre de gens sur ce qu’est le catholicisme. » (KTO ; 26’15’’-30’’). Nous ignorons comment « le sang des martyrs, [celui de Denise, de Vincent et de Simone dans leur vêtement blanc], est semence de chrétiens » (Tertullien, II° S). Le jeune Carlo Acutis, béatifié il y a quelques semaines, a dit : « La tristesse est le regard tourné vers soi, le bonheur est le regard tourné vers Dieu. » Ce portrait des béatitudes est l’anti-portrait de celui peint de Dorian Gray qui s’effaçait au fur et à mesure qu’il faisait le mal. C’est surtout le portrait de Jésus qui se révèle progressivement, un chemin de vie proposé à ses disciples.

Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

P. Olivier Joncour

A lire après la communion :

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.
Là où il y a de la haine, que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a le doute, que je mette la foi.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que je mette votre lumière.
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô Maître, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer,
car c’est en donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on trouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »

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