Il est bon que nous soyons ici Homélie 2° dim Carême A (8.03.2020)
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Dimanche 8 mars 2020, 2° dim Carême A St Pierre St Paul, Colombes Messe en famille
Il est bon que nous soyons ici
Commençons par un rappel de dimanche dernier : c’était celui de la tentation à Adam et Eve par le serpent (Gn 3) et les trois adressées par le diable à Jésus dont il est sorti vainqueur, au désert (Mt 4, 1-11).
Ce dimanche, nous avançons. Le Seigneur appelle Abraham à 75 ans à tout quitter pour une nouvelle vie sur une nouvelle terre où il aura une descendance. Il va faire de lui un patriarche. Et, alors que nous sommes passés dans la seconde moitié de l'évangile de St Matthieu depuis la confession de foi de Pierre suivie de la première annonce de la passion, de la crucifixion, de la mort et de la résurrection de Jésus, ce dernier part à l'écart avec trois des Douze, sur une haute montagne.
Quels sont les trois que Jésus emmène avec lui? Pierre et les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean.
Que voient-ils? Le visage de Jésus est transfiguré, changé et lumineux de l’intérieur. C'est la nature divine qui se révèle à l'extérieur, c'est sa divinité que son humanité n'a jamais dissout ni fait disparaître et qui brille sur son visage et qui rayonne sur ses vêtements. Pour l'homme de la Bible, le vêtement, c'est aussi la personne. Rappelons-nous la femme aux pertes de sang depuis douze ans qui essaie de toucher le vêtement de Jésus et qui espère être guérie (Mt 9,20).
Que voient-ils d'autre? Jésus est ensuite entouré de deux hommes : Moïse qui renvoie aux cinq premiers livres de la Bible, la Torah, le Pentateuque, et le prophète Elie qui symbolise tous les autres, les grands comme Isaïe, Ezéchiel ou Jérémie, comme les douze petits dont Amos, Michée ou Jonas. Moïse, Elie et Jésus ont en commun une montagne. Après la fuite d'Egypte, le Seigneur fait traverser à pieds secs la Mer Rouge à son peuple avant qu'il ne demande à Moïse de monter sur la montagne du Sinaï où il a passé quarante jours et nuits avant de recevoir les Dix paroles de vie, pour sceller l'Alliance ensemble. En son temps, le prophète Elie, alors qu'il était persécuté par la reine Jézabel, voulut présenter au Seigneur sa démission qui la refusa et lui demanda de manger pour prendre des forces pour la marche de quarante jours jusqu'à l'Horeb, la montagne du Seigneur, un autre nom du Sinaï, pour être renouvelé et confirmé dans sa mission (cf 1 R 19). Moïse a reçu l'Alliance. Les prophètes sont chargés par le Seigneur de la rappeler au peuple qui l'oublie. Jésus était déjà monté enseigné les béatitudes et la charte du Royaume sur une montage proche du lac de Tibériade (Mt 5-7). Cet épisode de la transfiguration eut lieu aussi sur une montagne, anonyme : identifiée au Thabor pour certains, à l'Hermon pour d'autres, près de Césarée-de-Philippe, lieu de la profession de foi de Pierre, six jours avant. Ces éléments nous font découvrir la continuité et l'unité de la révélation du Dieu d'Abraham, de l'unité entre le Premier Testament et le Nouveau, entre Moïse et les prophètes que Jésus est venu accomplir (Mt 5,17).
Pierre prend alors la parole. Il exprime qu'il est bien et qu'il veut prolonger le moment en voulant construire trois tentes. C'est sûrement une allusion à cette fête juive des cabanes ou des tentes, Soukkôt qui dure sept jours, en référence aux hébreux au désert pendant l'exode. Il y a une rencontre très forte, intime, qui se produit dont les traces très profondes vont rester dans la vie de ces trois anciens pêcheurs. Dans la Joie de l'Evangile, le Pape François « invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. » (EG 3) L'Eglise nous donne différents moyens par la lecture et la méditation de la Bible, seul ou en groupe, par l'adoration eucharistique que nous vivons chaque dimanche à 16h30 à la chapelle de la Vierge, ou à 20h30 le mercredi à la chapelle St Etienne St Henri. Comme l'écrit le pape, « sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. » (EG 262)
Que voient encore Pierre, Jacques et Jean? Une nuée lumineuse descend du ciel et recouvre les trois. Cette nuée est comme ce tourbillon lumineux qui avait guidé les hébreux qui n'avaient pas de carte ni GPS dans le désert.
La vision n'est pas le seul des sens qui est présent. Il y a ensuite l'audition : en effet, de la nuée, une voix, celle de Dieu le Père, désigne son Fils bien-aimé. A ce qu'il avait déjà dit lors du baptême dans l'eau du Jourdain par Jean (Mt 3,17), il ajoute alors un écoutez-le, pour asseoir l'autorité du Fils. Nous avons alors un triptyque avec le baptême de Jésus, ce récit de la transfiguration qui annonce la Résurrection, le troisième jour après sa mort.
Les trois apôtres comprennent de quoi il s'agit, si bien qu'ils expriment leur adoration, leur vénération en se prosternant devant Jésus-Christ, sûrs qu'ils ne peuvent pas voir Dieu sans mourir. Le vocabulaire de la crainte, c'est-à-dire du respect devant la grandeur de Dieu, le confirme.
Nous retrouverons à nouveau, à Gethsémani, la bande des trois pécheurs de Capharnaüm, Pierre, Jacques et Jean. Au Jardin des oliviers, le visage de Jésus sera tout autre : il sera défiguré par le combat intérieur entre sa volonté et celle du Père, anticipant aussi les souffrances de sa Passion, notamment lorsque les soldats lui enfonceront la couronne d’épines sur la tête, mais aussi la flagellation, le poids de la croix portée dans les rues de Jérusalem, les souffrances de la mise en croix puis la crucifixion.
Quelle est la consigne que Jésus demande au trio? Quel secret leur demande-t-il? Il leur ordonne de garder le secret sur ce dont ils ont été témoins jusqu'à la résurrection du Fils de l'Homme. C'est ce qu'ils feront plus tard, ce qui permettra de retrouver ce récit raconté par les trois évangiles synoptiques. Il y a donc un moment pour se taire et un autre pour parler, pour témoigner, pour raconter. Et comme l'écrit St Paul aux Romains : "Comment l’invoquer, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?" (10,14)
Alors, nous qui vivons presque 2000 ans après la résurrection de Jésus, sommes-nous soumis au silence, au secret? Ou pouvons-nous parler? Ou devons-nous parler? Cous avez bien compris que si nous gardons le silence, personne ne pourra croire ! Malheur à nous si nous n'annonçons pas la bonne nouvelle d'une manière ou d'une autre ! Comme l'explique l'évêque de Rome dans sa première encyclique, « tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes « disciples » et « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciples-missionnaires ». Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41). La Samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus « à cause de la parole de la femme » (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, « aussitôt se mit à prêcher Jésus » (Ac 9, 20). Et nous, qu’attendons-nous ? » (EG 120) Cela me rappelle ce que certains vivent quelques jours avant Noël ou avant la Semaine sainte en allant donner les horaires des messes de Noël ou du Dimanche des Rameaux et de Pâques, ou encore en invitant à venir au Parcours Alpha dans les rues de Colombes, à la sortie de la gare ou au marché. Je prédis même qu'après le 22 mars, les rues de notre ville devraient être moins encombrées qu'actuellement. Nous pourrons probablement encore entendre des réactions comme celles-ci : "Ah, ça fait plaisir de vous voir dehors, de pouvoir vous rencontrer sans être obligé d'aller à l'église !" ou encore : "Les Rameaux, non je ne savais pas ce que c'est, je ne suis pas chrétienne, mais j'aurais au moins appris quelque chose aujourd'hui. Merci !" Et aussi : "Il y a longtemps que je ne suis pas allée à la Semaine sainte, mais cette année, je vais peut-être y aller." Et pour finir, l'histoire de Jack qui témoignait à la messe dimanche dernier, qu'il avait reçu un flyer pour le Parcours Alpha à la sortie de l'église, qu'il l'avait froissé et jeté à la poubelle, avant quelques jours plus tard, en recevoir un autre dans la rue et prendre le temps de le lire et, finalement, de décider de venir participer au dernier Parcours Alpha qu'il a siuvi avec beaucoup de fidélité et de joie en entier !
Gn 12, 1-4a ; Ps 32 ; 2 Tim 1, 8b-10 ; Mt 17, 1-9
P. Olivier Joncour