Homélie Ascension C (30.05.2019)
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Jeudi 30 mai 2019 Ascension C, St EH Colombes
Elie, Gabriel et le bon larron
Autant la venue du Fils de Dieu sur terre est passée inaperçue et n’a eu aucun témoin quand l’Esprit Saint est venu couvrir de son ombre la Vierge Marie après qu’elle ait dit son fiat, autant ils ont été un certain nombre à observer le départ terrestre du Fils de Dieu fait homme, son retour au Ciel. Ce même événement est raconté par St Luc dans chacun de ses deux livres : en conclusion du premier, l’Evangile et en ouverture du second, les Actes des apôtres. Dans les Actes, c’est plus développé que dans l’Evangile. Il y a plus de détails et des précisions pour leur permettre d’attendre la venue du don paternel du St Esprit pour le nouveau baptême.

Le récit n’est pas sans écho de l’enlèvement au ciel du prophète Elie sur son char de feu, sous les yeux d’Elisée (2 R 2, 9-13) qui avait demandé à recevoir une double part de l’esprit d’Elie reçu de Dieu. On ne sait pas où il est précisément, mais son retour était attendu car synonyme de venue du Messie. C’est pourquoi son nom revient très souvent au sujet de Jean le Baptiste et même de Jésus. Il apparaît avec Moïse lors de la transfiguration. Pour le premier-né d’entre les morts, ce n’est pas une évasion ni une fuite de la vie terrestre mais c’est pour laisser la place à l’Esprit Saint qui l’avait accompagné tout au long de ses trois ans de vie publique.

Du côté des apôtres, ils savent qu’ils vont devoir apprendre à vivre autrement, sans le voir, sans l’entendre ni l’écouter. Après sa mort, c’est la seconde fois que cela arrive. Comme nous, ils peuvent être éprouvés par le syndrôme de l’abandon et l’angoisse de la séparation (Bernadette Lemoine Maman ne me quitte pas). Les petits enfants le savent par rapport à leur maman et les vrais amoureux aussi. C’est le « Ne me quitte pas » de Jacques Brel, les « Don’t leave me now » de Pink Floyd et Supertramp. Cette angoisse se réveille aussi à l’heure de la mort d’un être cher, un conjoint, un enfant, un de ses parents, un ou une ami(e) très proche. Rappelons-nous ce que le Ressuscité avait dit à Marie-Madeleine qui venait de le reconnaître : « Ne me retiens pas » (Jn 20,17a).
Cependant, la mort ne nous enlèvera jamais ce que nous avons vécu ensemble, ni l’amour, ni l’amitié, ni les paroles qui inspirent et font vivre. Et combien de signes de la présence du Vivant nous a-t-Il laissé à commencer par sa Parole proclamée dans nos assemblées, méditée personnellement et en petits groupes, dans les sacrements, dans les personnes rassemblées en son nom, dans les personnes en situation de manque (cf Mt 25, 34-40).
Voici ce que raconte une vieille histoire du Moyen Âge. Le jour de l’Ascension, Jésus s’élève devant les apôtres et disparaît à leurs regards. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que ce jour-là, il a croisé l’ange Gabriel qui lui dit : « Ah quelle joie de te voir ! Mais qu’est-ce qui se passe sur terre ? C’est bizarre, tout est dans la nuit. Je ne vois que quelques points de lumière. » Jésus lui explique alors : « C’est la nuit sur la terre : c’est vrai. Celui qui est la Lumière du monde (Jn 9) leur a été enlevée et ce n’est pas encore le moment où la Jérusalem céleste descendra sur terre et que la gloire de Dieu l’illuminera et que j’en sois le luminaire (cf Ap 21, 10.23). Mais compte bien les petites lumières ; il y en a douze : c’est Marie, ma mère, et les Onze apôtres qui sont en train de prier au Cénacle et d’attendre la réalisation de la promesse divine, l’envoi du St Esprit sur eux. Alors, une fois qu’il sera descendu sur eux, tu verras : toute la terre sera embrasée. Elle va s’enflammer. Les petites flammes qui sont là, dans cette maison vont se répandre partout, et toute la terre ne sera qu’un grand feu. » L’ange Gabriel fait un peu la moue et ose une remarque : « Je ne suis pas convaincu. Et qu’est-ce qui se passe si cela ne fonctionne pas ? » Et Jésus de répondre : « Je n’ai pas d’autre plan. » Mais l’Esprit Saint le leur fera comprendre, le rappellera à chaque génération, et traduira de différentes manières. Un jour, un successeur de Pierre reprendra ce que Ste Catherine de Sienne dira : « si vous devenez ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde. » Et je vois par avance qu’on l’écrira sur les murs dans un oratoire à Colombes, dans une maison qui portera le nom de ce même successeur de Pierre.

Et savez-vous qui, en plus de son Père et des anges, Jésus a retrouvé au Ciel ? Le bon larron qui avait 43 jours d’avance sur lui (cf Lc 23, 39-43). Il n’est pas le seul à l’avoir vu à la droite de Dieu le Père ? Quelques mois plus tard, juste après avoir témoigné de sa foi, rempli d’Esprit saint, le diacre Etienne « vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu’ » (Ac 7, 55-56), avant d’être lapidé et de remettre l’esprit.
Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; He 9,24-28 . 10,19-23 ; Lc 24, 46-53
P. Olivier Joncour