Droit de mort ou de vie? Homélie 5° dim Carême C (7.04.2019)
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Dimanche 7 avril 5° dim Carême C St PP Colombes
Droit de mort ou de vie?

Dans ce récit bien connu, il y a plusieurs dynamiques que nous voulons éclairer, plusieurs courants qui s’affrontent comme dans les océans. Et cela crée des remous à cause des forces contraires. Et il est bien difficile de lutter contre.
Commençons par rappeler que comme l’idolâtrie qui est une infidélité au Dieu de l’Alliance, au Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de Moïse, l’adultère casse quelque chose d’essentiel de la relation privilégiée et exclusive dans laquelle on s’était engagé pour toute la vie en toute liberté!

1° dynamique : celle des pharisiens qui sont attachés à la Loi, qui sont très scrupuleux dans la mise en pratique de la Loi de Moïse. C'est le légalisme. On se rappelle aussi d’autres pharisiens qui veulent aussi mettre Jésus à l’épreuve et qui viennent lui demander s’il est possible de répudier sa femme, car la Loi de Moïse l’autorise. Et nous connaissons la réponse de Jésus qui leur cite deux versets des deux premiers chapitres du livre de la Genèse. « Il les créa homme et femme » (Gn 1,26) et « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un. » (Gn 2,24) Et Jésus ajoute, comme pour rappeler l’antériorité de ce projet de Dieu : « Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas » (Mc 10, 6-10). Derrière une application scrupuleuse et à la lettre de la Loi, il peut y avoir une forme de fragilité, un tel besoin de repères qu’on en viendrait à se passer de réfléchir, de discerner entre ce qui est bien et mal, ce qui fait grandir. Un des risques est de tomber dans le fondamentalisme qui va chercher une conformité à la règle prescrite en en oubliant même Dieu. Ils deviennent les accusateurs de tous ceux qui ne leur ressemblent pas, qui n’ont pas les mêmes lois qu’eux. Ils ont forcément raison car ils ont la Loi avec et pour eux. C’est renforcé par l’effet de groupe, la dynamique du nombre qui rend anonyme mais qui donne encore plus de force, l’effet grégaire. Tous contre la femme. Tous contre Jésus. C’est le système sur lequel repose tous ceux qui jouent sur les peurs : homophobie, peur de l’étranger, peur de celui qui est différent, etc. Ils jugent les autres en se mettant à la place de Dieu. Ils jugent en se prenant pour Dieu.

2° dynamique : celle de la femme. Elle est saisie de peur, la victime de la justice populaire. Elle est si seule. Elle n’est pas interrogée. Elle est coupable. Cette femme, c’est comme l’humanité qui est accusée par les bien-pensants. Cette femme, aujourd’hui, c’est la hiérarchie de l’Église du Christ prise en flagrant délit d’avoir protégé des consacrés et des prêtres qui ont abusé d’une manière ou d’une autre, de façon spirituelle, sexuelle ou autoritaire des enfants, des religieuses ou d’autres personnes qui portent dans leur chair, leur mémoire et leur esprit ces marques visibles ou non des abus et de ces violences.

3° dynamique : celle de Jésus qui refuse de répondre à l’accusation par une autre accusation : il choisit de se mettre aux côtés de la femme, il se met à sa hauteur en étant accroupi. Il se laisse le temps de réfléchir pour ne pas répondre du tac au tac. Nous ne savons pas ce qu’il a écrit sur la terre. En se relevant pour leur répondre, il énonce un principe qui va casser la dynamique de groupe, pour renvoyer chacun à sa conscience, à sa propre vie. Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre.
4° dynamique : celle du refus de la logique de la mort pour ramener à la vie en se détournant de la logique de ce que détruit et fait mal aux autres, à soi et à Dieu, pour choisir ce qui rend vivant et plus vivant à la manière du chemin de vie avec Dieu et son prochain comme Jésus nous y invite. Alors que Jésus est le seul qui était présent à être sans péché, il ne jette pas la pierre à la femme. Combien de fois ne répète-t-il pas qu’il est venu pour les malades, les brebis perdues d’Israël, pour les pécheur? Rappelons-nous ce qu’a écrit st Jean dans sa 1° lettre : « Si ton coeur vient à t’accuser, Dieu est plus grand que ton coeur. » Il continue à t’aimer alors que tu t’en sens indigne, il continue à espérer et à croire en toi alors que tu t’es fait le juge des autres, alors que tu les méprises, alors que ton orgueil t’étouffe et te fait te passer de Dieu et regarder de haut les autres. De même que Jésus n’a pas condamné la femme qui peut aussi symboliser l’humanité pécheresse depuis Adam et Eve, il est lui-même la Bonne nouvelle du salut gratuit, amoureux, passionné de Dieu, qui reconstruit et guérit les blessures, y compris celles dont nous n’avons pas conscience. Ceux qui ont vu le film « Le chemin du pardon » hier pour la clôture des 24h pour le Seigneur comprennent de quoi je veux parler.

Car Toi, Seigneur, Tu ne cesses de continuer à appeler à la conversion, à choisir la vie plutôt que la mort, à revenir à Toi, à aimer son ennemi y compris son conjoint qui a été infidèle, à guérir les coeurs, les esprits, la mémoire et les corps. Dans ce monde qui est dur, aide-nous, Seigneur, à avoir l’humilité de te demander ton pardon, et donne-nous la force de relever par nos paroles et nos gestes, d’aider à renouer des relations brisées et blessées, Toi qui es tendre et miséricordieux
Is 43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
P. Olivier Joncour