Hôpital de campagne Homélie 4° dim Carême A (26.03.2017)
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Dimanche 26 mars 2017 4°dim Carême A, St Pierre St Paul de Colombes
"Hôpital de campagne"*
Dans la série de notre réflexion sur les solitudes, pendant le carême, et la manière de sortir de son isolement, les extraits de la Parole de Dieu nous donnent des éléments de réflexion.
Commençons par la solitude de l'aveugle de naissance liée à son handicap : isolé, il est marqué par la solitude du mendiant. Après que Jésus lui ait mis de la boue sur les yeux, il est seul pour aller se laver les yeux jusqu'à la source de Siloé.
Même une fois guéri, l'homme est encore seul : il n'est pas reconnu par les voisins, et même quand il dit que c'est lui, on se méfie de lui, on ne fait pas confiance à son témoignage. De leur côté, les pharisiens qui l'interrogent et l'accusent, se durcissent : ils refusent qu'il ait changé physiquement (il a retrouvé la vue) et intérieurement (il est devenu croyant en Jésus). Pour eux, quand son est dans une case, c'est plus simple d'y rester : "tu y es, tu y restes pour toujours!" L'homme est incompris par les autres qui sont incapables de se réjouir qu'il voit. Incapables de se réjouir qu'il voit maintenant.
Peut-être est-ce le cas pour certaines personnes qui se préparent au baptême dont la démarche et le choix sont incompris ou moqués. Le témoignage peut isoler, couper y compris de sa famille, de ses parents qui refusent de se prononcer, par lâcheté quand les pharisiens les interrogent à son sujet. Il est assez grand pour s'expliquer.
Dans les différentes discussions qui ressemblent à des interrogatoires successifs, l'homme guéri est en position d'accusé, comme dans un procès. Et il n'a personne pour le défendre, même pas ses parents, même pas un avocat, ni un ami. Seul avant. Encore seul après. Désespérément seul. Et pourtant, il tient tête à ses accusateurs. Même s'il n'est pas mentionné, l'Esprit St est sûrement devenu son Défenseur, son avocat, le Paraclet, comme Jésus l'annoncera dans son discours testament le soir du jeudi saint.
A la fin, l'homme est réconforté par Jésus qu'il retrouve et qui l'invite à faire un acte de foi en lui. Jésus l'écoute, le rassure, le réconforte. Grâce à Jésus, il est devenu un sujet et acteur de sa vie. C'est tout son être et toute sa vie qui se trouvent changés, bouleversés, transformés, en mieux.
Il y a enfin la solitude de Jésus face aux disciples qui posent la question de l'origine du handicap : est-ce lui ou ses parents qui ont péché ? Sous entendu, quels grand péché ont-ils commis pour que l'homme soit aveugle, comme punition divine.
Il y a également la solitude de Samuel qui doit trouver lequel des fils de Jessé a été choisi par le Seigneur comme futur roi d'Israël, pour succéder à Saül. C'est sa solitude pour comprendre quels sont les critères de discernement et de choix de Dieu qui sont différents de ceux des hommes : ce n'est pas le plus âgé, l'aîné, ni les suivant, mais le plus jeune, le dernier, celui qui gardait le troupeau.
Il y aura ensuite la solitude de David choisi par Dieu : comment assumer une telle responsabilité si jeune, avec si peu d'expérience, sans avoir été préparé ni formé. David a fait l'expérience que Dieu donne ce qui est nécessaire pour vivre ce qu'Il demande. Il n'abandonne pas celui qu'Il a appelé et qui lui a répondu.
A sa manière aussi le psalmiste a vécu une forme de solitude : si je traverse les ravins de la mort, écrit-il faisant référence à une épreuve difficile, dangereuse dont nous ne savons rien. Il a vécu une situation angoissante, qui a créé de l'inquiétude. Ce psaume est le témoignage de celui qui s'en est sorti et qui est encouragement pour tous ceux qui vivent cette difficulté : je ne crains aucun mal car tu es avec moi. Ton bâton me guide et me rassure.
D'un autre côté, il y a l'incapacité des pharisiens à changer face à une personne qui a elle-même changé. Ils n'acceptent pas de se laisser déplacer intérieurement. Ils ne veulent pas faire face à la vulnérabilité et refusent leur propre vulnérabilité. Ils se sont construits des remparts, comme un château fort en se trompant de trésor : ce n'est pas la loi du sabbat à défendre - ne pas travailler, donc ne pas guérir - mais la vie à défendre à commencer par une réintégration dans la vie pour cet homme exclu.
Incapables de sortir d'eux-mêmes, d'aller sur un terrain nouveau vivifiant.
Relisons l'itinéraire, le chemin de foi vécu par l'homme. Il est passé d'une confiance humaine lorsque Jésus lui demande d'aller se laver les yeux à la piscine de Siloé à la profession de foi que Jésus est le Fils de l'Homme, qu'il appelle même Seigneur, devant qui il se prosterne, qu'il pressent comme plus qu'humain, comme divin. C'est en racontant à d'autres qu'il relit ce qu'il a vécu, puis qu'il accède à ce qu'il a vécu et qu'il entre progressivement au sens. Il décrit ce qui s'est passé : il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé les yeux, et je vois.
Une dernière remarque : alors que Jésus est absent physiquement une longue partie du récit, il est en fait au centre de la conversation et des interrogations des pharisiens qui ne tirent pas les conclusions que l'homme guéri a su conclure ! Jésus leur en a mis plein la vue!
Finalement, face à la solitude, pour recréer du lien : qu'est-ce qui est le mieux : expulser ou intégrer? Les pharisiens qui voient refusent de croire. Au contraire, l'homme qui ne voyait pas est devenu croyant.
1 S 16, 1.6-7.10-13a ; Ps 22 ; Ép 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41
P. Olivier Joncour
2° scrutin de 9 adultes, 13 adolescents et 7 enfants du catéchisme
* Expression du pape François dans une méditation sur l'Eglise à l'occasion d'un entretien aux revues jésuites, en septembre 2013.