Le changement, c'est maintenant? Homélie 3° dim Carême C (28.02.2016)
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Dimanche 28 février 2016 3° dim Carême C St PP Colombes
Le changement c'est maintenant ?
Quand, en France, un candidat aux présidentielles de 2012 disait : « Le changement, c’est maintenant ! », un autre outre-Atlantique répondait : « Yes, we can ! » et le Pape d’écrire dans son encyclique : « Tout est lié ! » (Laudato si’). Les lectures de ce 3° dimanche de Carême nous obligent à un travail de déconstruction de certaines fausses représentations sur Dieu, la démarche du pardon, et nous-mêmes !
1) J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays. Ce Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob n’est pas sourd. Il ne ressemble pas à un dieu impassible, insensible et indifférent aux malheurs et aux souffrances des hommes.
Au contraire, Il est compatissant, attentif aux cris des pauvres, des persécutés, des souffrants, des angoissés, … Dieu révèle à son peuple qu’il est miséricorde dans un contexte d’esclavage et décide de le libérer en le faisant sortir d’Egypte (cf W. Kasper La Miséricorde Béatitudes, 2013, p. 53). Il manifeste son identité à travers sa sollicitude en agissant pour son peuple dans l’histoire.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour.
Dans l’Evangile du jour, on croirait entendre une revue de presse des journaux de l’époque : des faits divers, des catastrophes. Aujourd’hui, nous pourrions transposer avec ceux qui sont morts ou qui ont été blessés dans les attentats aveugles du 13 novembre. Avaient-ils fait quelque chose de mal qu’on aurait pu leur reprocher ? La réponse de Jésus est « Non, ils étaient pécheurs comme tout le monde et leur mort n’était pas une punition ! » La question posée ici n’est pas non plus de savoir pourquoi Dieu n’a pas empêché la tour de s’écrouler ou les Galiléens de mourir. La véritable question est de savoir pourquoi nous avons du mal à nous changer et que nous repoussons très souvent à ‘Plus tard’. Si Dieu était un père fouettard, nous aurions le droit d’avoir peur de lui. Mais Jésus nous Le présente comme un Père qui attend notre retour pour nous prendre dans ses bras, nous reconnaître comme ses enfants et faire la fête ! (Lc 15,20b-24) Alors ?
2) Alors, la parabole de Jésus nous permet de comprendre que Dieu nous laisse une chance de changer en mieux et en bien. A la colère du maître-propriétaire de la vigne qui voulait couper le figuier sans fruit, succède la patience du vigneron-Jésus qui s’engage à bêcher et à mettre du fumier au pied du figuier. Cependant la patience de Dieu dure un temps : un an. Rappelons-nous que dans le domaine de la conversion personnelle, il y a deux écueils. Le 1er : ‘Ce n’est pas pour moi, mais pour les autres !… Cela fait tellement longtemps que je ne sais plus comment cela se passe.’ Remplaçons le ‘convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle’ adressé aux autres, par : ‘convertissons-nous et vivons l’Evangile’. Le 2nd écueil est une tendance à remettre à demain ce qui peut être fait, ou décidé et commencé, maintenant. ‘J’irai le 17 mars.’ Et le 18, de dire : ‘cela peut attendre encore un peu : j’irai à l’une des permanences des prêtres, sinon il me restera le sa-medi saint au matin.’ Et à Pâques, vous direz : ‘l’Année de la Miséricorde n’est pas finie : elle dure jusqu’au 20 novembre, non ?’ Pourtant, nous savons tous qu’on est tellement bien après, dans la paix et la joie d’avoir été pardonnés par Dieu, au point que nous nous disons : ‘Mais pourquoi ai-je tellement repoussé et attendu ?!’
3) En effet, le Seigneur pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; […] il te couronne d’amour et de tendresse.
Ce qui manque à notre génération, c’est la conscience du mal que nous faisons ou disons, ou du bien que nous ne faisons pas. C’est aussi l’absence de la honte de notre péché et de nous-mêmes (François Le nom de Dieu est Miséricorde p. 31). Ce n’est donc pas un hasard si Jean-Paul II a proposé le message de la Miséricorde pour le XXI° S, après les terribles expériences du XX° S (Kasper, id, p. 119) Alors, quelles sont les maladies de notre temps qui blessent l’humanité ? François en relève plusieurs dans son livre Le nom de Dieu est Miséricorde : des maladies sociales comme la pauvreté, l’exclusion, des formes d’esclavage ; et aussi le relativisme pour lequel tout a la même importance ; ou notre péché que l’on considère comme incurable, comme quelque chose qui ne peut être ni guéri, ni pardonné. La fragilité de notre époque, c’est de croire qu’il n’existe pas une main qui m’aide à me relever, qui me sauve, qui me pardonne, qui m’inonde d’un amour infini, patient, et qui me permet de repartir le cœur léger (p. 37-38).
La main est déjà tendue : c’est celle du Crucifié qui a donné sa vie pour les pécheurs que nous sommes, pour nous faire renaître à la Vie ! C’est donc le moment favorable ! Oui, pour les autres, mais aussi pour moi. Prions donc les uns pour les autres, et ensuite, témoignons du pardon qui rime avec libération, et de la réconciliation avec communion.
Ex 3, 1-8a.10.13-15 ; Ps 102 ; 1 Co 10, 1-6.10-12 ; Lc 13, 1-9
P. Olivier Joncour